👚 Amazon veut sortir la mode des cartons
Amazon lance un magasin d'habillement : vraie innovation d'expérience ou aveu des limites de l'e-commerce ? #179
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Quand on suit depuis quelques temps les sujets d’innovation, on est frappé de retrouver une sorte de cycle dans la succession de nouveaux produits et de nouveaux modèles économiques. Louer ce qui est à vendre, vendre ce qui est à louer, séparer l’achat, le paiement, la livraison, la notation, le retour, la revente,…puis les regrouper dans de nouveaux concepts !
L’annonce la semaine dernière du nouveau “magasin physique” d’habillement et d’accessoires de mode d’Amazon suit la même logique.
Et oui, Amazon, déjà leader aux USA dans la vente en ligne de vêtements, vous propose dorénavant de les acheter…dans un magasin brick and mortar (un vrai magasin quoi) 🤨.
S’il affiche fièrement l’ambition d’effacer un peu plus les limites entre e-commerce et commerce physique, le projet du géant de Seattle traduit aussi les limites du commerce en ligne. Les coûts et aléas de livraison, le retour gratuit, le taux d’abandon de panier,…sont bien supérieurs pour une catégorie aussi spécifique que l’habillement. Le taux de retour de produits est de 46% dans la vente en ligne d’habillement ! À l’inverse, réussir dans ce domaine ouvre des perspectives alléchantes en terme de création d’offres et de produits sur mesure.
Regardons ensemble comment Amazon espère tirer son épingle du jeu.
Vous trouverez ensuite tout un rayon de liens utiles pour aller plus loin, puis votre rubrique préférée “on a aimé” qui vous mettra dans les chaussures d’Airbnb, de Memo Bank et de Lego.
(bon ok j’arrête les métaphores promis)
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🎯 Cette semaine
Un sujet qui nous a marqué
Ça devient presque un marronnier : chaque mois de janvier, au moment où les journalistes s’intéressent au salon NRF de New York, Amazon propose un nouveau concept de magasin. On les savait déjà impliqués dans l’épicerie avec Amazon Go, Amazon Fresh et bien sûr Whole Foods Market, mais aussi dans les librairies et des magasins vendant les produits les mieux notés (Amazon 4 Stars). En tout plus de 600 magasins tout ce qu’il y a de plus “physiques”.
Le premier magasin d’habillement devrait donc ouvrir cette année à Los Angeles. Rien à visiter pour le moment : nous sommes donc condamnés à commenter une vidéo de la marque, (lien plus bas) mais allons-y.
Les rayons affichent la mention “inspirés par des top influenceurs” qui nous renvoie immédiatement dans l’univers des réseaux sociaux. Le live shopping (en réalité un bon vieux télé achat, mais sur les réseaux) animé par des influenceuses/eurs célèbres est devenu un phénomène culturel en Asie : Amazon compte en profiter et on imagine bien ce type de séances avoir lieu prochainement dans la boutique.
Les clients ont leur smartphone à la main, avec l’app Amazon Shopping ouverte en permanence, pour scanner les QR code situés devant chaque rayon. L’app est utilisée pour augmenter l’information sur les produits, mais aussi permettre de “personnaliser” un produit comme on le ferait en ligne : taille, couleur, commentaires,…le bouton “commande” permet de vous faire amener ensuite votre sélection dans la cabine d’essayage qui vous sera attribuée. Cela fonctionne comme un site de e-commerce, l’essayage en plus et la livraison en moins.
Cette cabine connectée semble être le réceptacle de beaucoup d’autres technologies :
l’espace est personnalisé : votre nom apparaît sur un écran intérieur avec vos choix précédents,
vous retrouvez les produits que vous avez commandés dans une “penderie” attenante dans la cabine,
il semble que l’on puisse également demander en quasi temps réel d’essayer une autre taille ou une autre couleur : le produit est apporté (par des robots ? des humains ?) dans un seconde penderie également ouverte sur votre cabine.
On récupère ensuite les habits que l’on souhaite acheter et on paie avec la paume de sa main, comme dans les magasins Amazon Go. Oubliées les files vers les cabines les mains chargées de produit, l’attente pour essayer une autre taille et l’obligation de refaire ensuite la queue aux caisses.
Que peut-on retenir de cette étalage de technologies ?
Amazon cherche à donner à ses clients le meilleur des deux mondes :
ce que permet l’e-commerce : profondeur de l’inventaire et meilleurs prix, personnalisation et recommandations, avec un coût élevé pour le distributeur (et l’environnement)
l’expérience et instantanéité de l’achat en boutique : être conseillé, essayer et repartir avec le produit, quitte à risquer de ne pas avoir la taille ou la couleur.
Dès 2003, Zappos proposa à ses clients le retour gratuit pendant 60 jours, durée qui sera portée à 365 jours la même année. Amazon rachètera Zappos en 2009, mais sans supprimer le retour gratuit.
Comment apporter à la fois un vaste choix sans risquer des retours ? Le magasin d’Amazon a l’air conçu pour réduire les espaces d’exposition (une seule taille, une seul couleur en rayon, le reste sur l’app) et consacrer ainsi l’espace restant au stockage en arrière boutique d’un stock plus important, rendu disponible via l’app et la cabine connectée.
Le tout…avec le moins de personnel possible, puisque les humains semblent les grands absents de la vidéo, hormis pour tendre le sac à la fin. Comme dans les épiceries Amazon Go, il est facile d’imaginer la même expérience sans aucune interaction humaine, la cabine d’essayage jouant le rôle de locker amélioré et l’appli d’assistant personnel de shopping et de caissier. Bienvenue dans le monde d’Amazon.
Les données collectées durant ces expériences d’achat en magasin s’ajouteront à celles collectées en ligne pour améliorer l’achalandage des magasins. Il n’est pas difficile d’imaginer que l’on pourra commencer son parcours en shoppant en ligne puis en venant essayer et acheter dans les produits dans le magasin. Un peu comme chez McDo en somme. Sans compter le “jardin fermé” que constituent les autres services proposés par Amazon : musique, vidéo, jeux, cloud, et… les produits en vente évidemment qui seront autant d’indices permettant de personnaliser l’offre d’habits et accessoires. Big data !
Les suites de ce projet sont simples à imaginer :
Amazon pourra sans aucun doute “augmenter” cette expérience en proposant des produits supplémentaires et des offres, comme le ferait tout bon vendeur : “voulez-vous essayer une ceinture avec ce pantalon ? Elles sont à -30% et vous attendent déjà dans la seconde penderie”
de même, je ne serai pas surpris si les caméras à l’intérieur de la cabine en profitaient pour scanner votre silhouette afin de détenir un “patron” et mémoriser ainsi vos mensurations pour plus tard, avec votre accord bien sûr (n’oubliez pas de rentrer le ventre). Ça existe déjà pour les chaussures de sport : formidable manière de fidéliser le client et simplifier ses achats suivants.
Mais allons plus loin : si l’on s’en tient à la logique amazonienne maintes fois décrite dans cette lettre, Amazon pourrait en cas de succès :
ouvrir le stock de la boutique à d’autres marques qui seront ou non exposées en rayon (“vous aimerez peut-être aussi ce produit…”)
proposer à des marques de disposer de leur propre corner en boutique dans la logique de place de marché
améliorer les propres marques d’Amazon en utilisant les données recueillies dans leurs magasins et e-commerce (classique)
vendre les technologies et expériences testées et approuvées dans ces boutiques à d’autres retailers, dans la même logique que la vente de ses services de logistique et d’informatique.
Je serai curieux également de découvrir si Amazon saura proposer des expériences nouvelles comme le shopping à plusieurs, le live et le partage d’expériences comme cela commence à se développer avec Watch Party pour le visionnage de vidéos entre amis.
En conclusion, on peut se demander si Amazon est en train de véritablement réinventer l’expérience en boutique, ou d’essayer simplement de régler ses problèmes de e-commerçant en faisant travailler un peu plus le client dans une espèce de drive piéton de la mode. Dans le second cas, la désillusion risque d’être forte, car deux demi-expériences ne font pas une nouvelle expérience. On est sans doute pas encore sortis des cartons…
PS : j’espère que vous avez apprécié l’absence totale des termes phygital, omnicanal et digitalisation dans cet article.
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🧐 Et aussi
Des ressources utiles en lien avec le sujet traité cette semaine.
Le communiqué de presse d’Amazon avec la vidéo Amazon reimagines in-store shopping with Amazon Style
Deux articles sur le nouveau concept de boutiques :
Amazon to open its first physical clothing store
Amazon is opening a real-world clothing store with high-tech fitting rooms - CNBC
Le site de l’évènement annuel sur le retail NRF Retail’s Big Show
Sur les innovations de service et d’organisation mises en place par Zappos (racheté par Amazon), dont le retour gratuit des produits 20 Years, 20 Milestones: How Zappos Grew Out Of Just Shoes
Sur les technologies et services mises en place dans l’épicerie Amazon Go, depuis 2018. Amazon Go, le magasin sans caisse, fait son entrée en Europe
Sur les innovations lancées dans la chaîne Whole Foods Markets, rachetée par Amazon. Fast Company : Whole Foods Market
Sur Amazon One, une technologie de lecture de votre main pour fluidifier l’expérience d’achat. Amazon One
Sur les 80 marques que possèdent Amazon Amazon owns more than 80 private-label brands — see the list
En 2014 Amazon déposait un brevet pour une solution qui enclenche une livraison avant que vous ayez commandé le produit (oui vous avez bien lu) Amazon patents anticipatory shipping
Sur le modèle économique d’Amazon : l’Empire Invisible, 15marches
Comment Google sait si vous êtes allé dans un magasin après avoir visité son site en ligne - et transmet l’information au commerçant. À propos des visites en magasin dans Analytics
Chiffres clés sur le e-commerce de l’habillement dans le monde The State of the Ecommerce Fashion Industry: Statistics, Trends & Strategy - Shopify
La part de marché et les tendances des ventes en ligne dans la mode en France E-commerce et textile 2020 et 2021.
🤩 On a aimé
Nos trouvailles de la semaine, en vrac
Le co-fondateur d’Airbnb a décidé de ne plus habiter que dans des locations listées sur sa plateforme. Pourquoi ? “Le plus grand changement dans la manière de voyager depuis l’avènement des vols longs courriers” serait en cours : la possibilité de travailler, et donc vivre depuis n’importe où, ce qu’il constate dans l’allongement de la durée des séjours. Starting today, I'm living on Airbnb - Twitter
Connaissez-vous le nom “original” des pays étrangers ? Cette carte va vous l’apprendre. Mapped: The Literal Translation of Every Country’s Name
Comment mettre en oeuvre la culture d’une startup dans un secteur aussi “traditionnel” que la banque ? Nous ne faisons pas de publicité ici - d’ailleurs ce n’est pas notre banque -, mais la manière dont Memo Bank (anciens de Captain Train) raconte et justifie ses choix est tout à fait instructive.
Exemple avec le travail à distance Jean-Daniel Guyot sur Twitter
Et le bilan carbone Notre premier bilan carbone - Memo Bank
Confinés avec des enfants ? Voici quelques idées de réalisations en Lego pour les occuper. Toyforce - Lego
J’en profite pour envoyer plein de pensées positives à toutes celles et ceux qui sont en quarantaine en ce moment. On est passé par là !
C’est fini pour aujourd’hui. À la semaine prochaine.
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👩🏻🚀 Tous les jeudis, Noémie raconte les futurs possibles en fiction.
Stéphane