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🛒 Le blues du chariot

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🛒 Le blues du chariot

Le chariot est au commerce ce que le Boeing 747 est Ă  l’aviation. Symbole de la consommation de masse, du triptyque hyper-voiture-congĂ©lo et du self-service. Son destin est liĂ© Ă  nos modes de vie #191

Les newsletters de 15marches
May 31, 2022
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👹‍🚀 Tous les mardis, StĂ©phane dĂ©crypte l’impact de la transformation numĂ©rique sur l'Ă©conomie et la sociĂ©tĂ©. En savoir plus sur cette lettre : À propos

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💌 Vous et moi

Les habituĂ©s de cette lettre connaissent ma passion pour la logistique et la consommation. Étudier le parcours “de la fourche Ă  la fourchette”, comprendre le jeu des acteurs, des modĂšles Ă©conomiques et des technologies. Trouver les Ă©lĂ©ments essentiels du systĂšme, ceux sans lesquels rien n’aurait pu fonctionner.

Ce sont eux qui permettent de tirer parti de la modularitĂ© et des standards indispensables Ă  la croissance dans un monde connectĂ©. Pour la logistique de grande consommation, j’ai identifiĂ© trois rouages essentiels : le container, la palette et le chariot.

AprĂšs le container, je vous propose une brĂšve histoire de son petit frĂšre cĂŽtĂ© « consommateur » : le chariot. Comme son grand frĂšre, il tire son efficacitĂ© de son usage combinĂ© et Ă  l’échelle, malgrĂ© une technologie on ne peut plus simplissime. Comme son grand frĂšre, son avenir est liĂ© Ă  nos grands choix de consommation et d’amĂ©nagements urbains. DĂ©cryptage.

Comme d’habitude vous trouverez des ressources pour aller plus loin dans la rubrique suivante, et nos perles de la semaine dans la derniùre rubrique. Bonnes courses !

gray and red shopping carts
Photo by Markus Spiske on Unsplash

🎯 Cette semaine

Nous avons analysé pour vous


Souvenez-vous.

Tout petit on nous glissait fermement dans son siĂšge rĂ©tractable, rĂ©duit le dos tournĂ© Ă  frapper le mĂ©tal de nos talons. Sa cage argentĂ©e naviguait dans le labyrinthe de paquets, guidĂ©e d’une main tandis que l’autre piochait frĂ©nĂ©tiquement dans les rayons. Nous attendions avec impatience l’arrivĂ©e en caisse, oĂč sa gueule presque pleine accueillerait quelques friandises Ăąprement nĂ©gociĂ©es. 

Plus tard on nous laissa pousser nous-mĂȘme cet engin dont les roues semblaient parfois prises de folie. VidĂ© de son chargement, le chariot devenait alors un Ă©phĂ©mĂšre jouet qu’on allait fracasser contre un autre dans un vacarme aussi bref que dĂ©licieux.

C’était le temps des hypers, des autos et des chariots.

Le chariot de supermarchĂ© - on a pas le droit de dire Caddie sans risquer un procĂšs de l’entreprise Ă©ponyme - est l’un des plus forts symboles de la sociĂ©tĂ© de consommation. C’est grĂące Ă  lui que le commerce change d’échelle dans les annĂ©es 70. GrĂące Ă  lui qu’on put faire ses courses pour la semaine, choisir parmi des dizaines de milliers de rĂ©fĂ©rences habilement prĂ©sentĂ©es et ne croiser quasiment aucun employĂ© durant ses achats. À partir de cette pĂ©riode les prix baissent, les mĂ©nages s’enrichissent, les modes de vie Ă©voluent. Les terres agricoles reculent et l’usage de la voiture explose. DerriĂšre les images en noir et blanc de la pĂ©riode, on repĂ©rera un engin familier : le chariot, maillon indispensable de la chaĂźne qui relie le rayon du magasin au congĂ©lateur de la maison en passant par le coffre de l’automobile. Sans chariot, rien de cela n’aurait Ă©tĂ© possible.

Et pourtant, chaque Ă©lĂ©ment ou presque de ce paysage est remis en cause en ce dĂ©but des annĂ©es 2020 : l’hypermarchĂ©, le parking, l’automobile, les produits de grande consommation, le self-service.

Mais n’allons pas trop vite : revenons un peu en arriùre avant d’envisager son avenir.

BrĂšve histoire du chariot

Le chariot a d’abord Ă©tĂ© dĂ©testĂ© lorsqu’il a Ă©tĂ© introduit aux États-Unis dans les annĂ©es 30.

L’usage du panier pour faire ses courses Ă©tait alors plĂ©biscitĂ©, on lui trouvait mĂȘme un cĂŽtĂ© “aristocratique”. ProblĂšme : le volume d’achat Ă©tait limitĂ© non pas pour des raisons monĂ©taires mais purement physiques : les clients ne pouvaient simplement pas transporter plus de produits dans leur simple panier.

Les premiers “chariots” ont ainsi cherchĂ© Ă  rĂ©gler le problĂšme de maniĂšre basique : accrocher un deuxiĂšme panier sur un engin bricolĂ© Ă  partir de chaises pliantes montĂ©es sur roulettes. DĂ©tail amusant, un gĂ©rant eut l’idĂ©e d’engager des figurants qu’il envoya dĂ©ambuler dans les rayons avec ces chariots pour faire leur courses. Les clients, jusqu’alors peu enclins Ă  utiliser ce qu’ils considĂ©raient comme une poussette, mordirent Ă  l’hameçon : ils se mirent Ă  leur tour Ă  utiliser les “doubles paniers roulants”.

L’innovation de rupture pris la forme d’une amĂ©lioration en apparence anodine, inventĂ©e en 1946 : une simple trappe amovible situĂ©e Ă  l’arriĂšre de l’engin, permettant de les stocker en les encastrant les uns dans les autres. Bingo ! Il fut dĂ©sormais possible de stocker sur 2 places de voiture des dizaines de chariots.

Le systĂšme prolonge le parcours du supermarchĂ© : ce sont les clients qui les rangent, trop heureux de rĂ©cupĂ©rer une piĂšce dont le prix ne reprĂ©sente pourtant absolument pas la valeur mĂȘme du service rendu.

Le magasin allait pouvoir s’étendre toujours plus Ă  mesure qu’augmentaient la taille des chariots, la distance parcourue par les clients en magasin et l’offre en infrastructures automobiles. Comme pour le container, le chariot-passĂ©-Ă -l’échelle devenait un nouveau standard indispensable.

Il s’en vendrait aujourd’hui 2 millions par an dans le monde pour un parc de 25 millions environ. Peu coĂ»teux et presque inusable avec sa structure en mĂ©tal, il peut transporter jusqu’à 10 000 fois son poids durant sa vie.

Le détonateur de la consommation de masse

Le chariot ne se contente pas de permettre d’emporter plus de produits et de faire faire tout le travail aux clients des grandes surfaces. Il favorise Ă©galement des comportements de (sur-)consommation dans le magasin.

Nous en avons parlĂ© dans cette lettre, le sentiment de possession est un puissant moteur de choix. Souvenez de l’expĂ©rience que nous relations : des Ă©tudiants se voient dotĂ©s gratuitement pour la moitiĂ© d’entre eux d’une tasse aux couleurs de leur universitĂ©; l’autre moitiĂ© reçoit de l’argent pour acheter ces tasses. On demande aux deux segments d’estimer pour les premiers le prix de vente de la tasse qu’ils ont reçu, pour les seconds le prix d’achat de la tasse qu’ils doivent acheter aux autres. RĂ©sultat : ceux qui ont dĂ©jĂ  la tasse en main fixent un prix deux fois supĂ©rieur Ă  ceux qui ne l’ont pas encore (si vous n’avez rien compris, lire : C’est Ă  moi !). C’est le biais de la possession, qui fait que l’on surestime de deux ou trois fois le prix de ce que l’on possĂšde dĂ©jĂ  - voir aussi l’aversion Ă  la perte.

L’expĂ©rience utilisateur mise en place par les grandes surfaces joue Ă  merveille de ce levier. DĂšs que les frontiĂšres du magasin sont franchies, tous les produits peuvent ĂȘtre saisies simplement sans toucher Ă  son porte monnaie. Le chariot est lui largement ouvert et accueille tout ce que vous lui jetez. Vous n’avez mĂȘme pas peur qu’on vous vole ce qu’il y a dedans, puisque ce n’est pas encore Ă  vous. Et pourtant, le biais de possession est dĂ©jĂ  Ă  l’oeuvre : ce qui est dĂ©jĂ  dans le chariot sera difficile Ă  remettre dans le rayon. Ce sera vĂ©cu comme une perte. Nous ne sommes pas des ĂȘtres rationnels. Marche aussi avec les automobiles que le concessionnaire vous propose d’essayer, ou les services en ligne qu’on vous proposer de tester gratuitement.

On ne rĂ©siste pas Ă©videmment Ă  rappeler ce cĂ©lĂšbre adage sur la publicitĂ© : “la publicitĂ©, c’est vous faire acheter des produits dont vous n’avez pas besoin avec de l’argent que vous n’avez pas pour Ă©pater des gens qui s’en moquent” 😅

Le client de la grande surface dĂ©ambule tel un papillon devant une ampoule, son cortex stimulĂ© par de multiples nudges : promotions, 2 pour 1, cash back, crĂ©dit gratuit et autres sĂ©ries limitĂ©es. Ce n’est pas pour rien que le m2 de rayon est l’une des surfaces les plus chĂšres du monde : rien n’y est laissĂ© au hasard.

Mais, comme pour le container, le chariot n’échappe Ă  la mutation des modes de vie.

Faut-il ranger définitivement le chariot ?

Les Ă©volutions rĂ©centes des modes de consommation montrent les destins croisĂ©s de l’automobile et de notre bon vieux chariot.

Ironie de la technologie, la robustesse du bon vieux chariot en mĂ©tal l’empĂȘche dĂ©sormais d’accueillir les derniĂšres innovations. Sa structure en mĂ©tal perturbe les ondes RFID. On lui prĂ©fĂšre le plastique, Ă©quipĂ© d’une simple douchette ou mĂȘme de balances et scanners intĂ©grĂ©s (type Amazon Dash Cart ). Il ne vise pas tant Ă  faciliter le transport qu’à Ă©viter le passage en caisse.

L’avenir semble cependant ĂȘtre Ă  la disparition du caddie de supermarchĂ© (tant pis je l’ai Ă©crit, je ferai une cagnotte pour payer le procĂšs), emportĂ© par la dĂ©saffection des formats “hypers de pĂ©riphĂ©rie”.

Tout d’abord, une tendance globale : le budget consacrĂ© aux dĂ©penses alimentaires, de l’ordre de 450€ par mois et par mĂ©nage, a fortement baissĂ© en part relative. De 35% en 1960, nous ne consacrons plus que 20% de notre budget aux courses alimentaires. La famille se dĂ©structure, les repas se fractionnent, avec de plus en plus de plats prĂ©parĂ©s - 75% des aliments consommĂ©s viennent de l’industrie agro-alimentaire. Les 3/4 sont consommĂ©s “à domicile” et 1/4 “hors domicile”. Nous avons parlĂ© rĂ©cemment du poids des travailleurs mobiles, 10 millions d’actifs, dont l’augmentation a Ă©videmment un impact sur la maniĂšre dont ils mangent et font leurs courses. Mais la recherche d’un cĂŽtĂ© des prix les plus bas, et de l’autre des produits les plus Ă©thiques, bio et locaux, multiplie les enseignes et divise les quantitĂ©s achetĂ©es Ă  chaque fois. Les enseignes se sont adaptĂ©es, proposant des magasins plus petits, plus spĂ©cialisĂ©s et plus prĂšs des clients.

Le “gros chariot du samedi” est au rĂ©gime.

Il ne sert plus à remplir le coffre de la voiture, mais les sacoches du vélo ou le bon vieux caddie de grand-mÚre qui augmente le piéton.

Le dĂ©veloppement du e-commerce et son hybride le drive voient arriver de nouveaux types de chariots, manipulĂ©s par des professionnels et prĂ©-remplis. Le cube souple isotherme devient lui le symbole des livreurs de repas. Il est fixĂ© Ă  l’arriĂšre du scooter ou portĂ© sur le dos des cyclistes.

Impossible de ne pas Ă©voquer aussi le progrĂšs des vĂ©hicules autonomes. Pas ceux qui vous emmĂšneront faire vos courses en pĂ©riphĂ©rie, mais ceux qui livreront vos courses directement chez vous (Nuro, Starship, 
) ou encore cet Ă©lĂ©gant “valet” qui vous suit partout en portant vos achats. Bon ok, je vois que vous n’y croyez pas trop.

Entre fragmentation des familles, des repas et des formats de commerce, le chariot de supermarchĂ© risque de ne pas survivre en tant qu’appendice roulant des grandes surfaces. Mais le rĂ©cent dĂ©veloppement des vĂ©los-cargos et de la micro-logistique nous montre que la ville du futur a besoin de contenants et de capacitĂ© d’emport sur de courtes distances. La dĂ©saffection de la voiture en ville devrait conduire Ă  la multiplication de nouveaux engins destinĂ©s Ă  augmenter le piĂ©ton et le cycliste. Le vieillissement de la population conduira Ă©galement Ă  privilĂ©gier des aides au dĂ©placement sur lesquels on peut se reposer : le chariot du futur ressemblera peut-ĂȘtre au chariot du passĂ©. Comme beaucoup d’autres services, il deviendra plus personnalisĂ©, plus individualisĂ© et moins partagĂ©.

Reste Ă  voir si l’un de ces modĂšles saura passer Ă  l’échelle pour devenir un maillon universel de la logistique, comme l’ont Ă©tĂ© avant lui le container et la palette. À moins qu’au contraire la fragmentation conduise Ă  augmenter le coĂ»t global de la consommation, suivant un mouvement de balancier inverse de son ancĂȘtre le chariot.

À suivre


🧐 Et aussi

Des ressources utiles en lien avec le sujet traité cette semaine.

Les travaux de recherche sur le chariot dont sont tirĂ©s beaucoup d’élĂ©ments de cette lettre. Histoire du chariot de supermarchĂ© GrandclĂ©ment et Cochoy

L’histoire du chariot de supermarchĂ© - Wikipedia

À leurs dĂ©buts les clients des hypers dĂ©testaient les chariots Why people hated shopping carts when they first came out

Le chariot connectĂ© d’Amazon Amazon Dash Cart, un chariot connectĂ© pour zapper la caisse

Le chariot autonome de Piaggio qui vous suit partout et transporte vos courses. La révolution du Gita et Kilo

L’importance de la palette en bois dans la chaĂźne logistique. Les palettes en bois, symbole de l'Ă©chec logistique russe

Le fabuleux destin de la valise à roulettes que les hommes ne voulaient pas utiliser. Quand a-t-on inventé la valise à roulettes ?

Le fabuleux destin du container, le grand frùre du chariot Out of the box, l’histoire du container - 15marches

Évolution du commerce et de la distribution en 2019 - FCD faits et chiffres (pdf)

Évolution de la consommation par type de surfaces En fĂ©vrier 2021, le chiffre d’affaires des grandes surfaces alimentaires augmente lĂ©gĂšrement - INSEE

Sur les nudges et le design d’influence. Lettre à ma fille de 15 ans - 15marches

Pourquoi il ne faut pas emmener ses enfants au supermarché. Use condoms - Zazoo

đŸ€© On a aimĂ©

Nos trouvailles de la semaine, en vrac et sans détour

Le saviez-vous ? Les premiĂšres versions du Boeing 747 intĂ©graient dans leur cockpit un emplacement dans le plafonnier qui permettait de faire le point “aux Ă©toiles” Ă  l’aide d’un sextant. Une invention de 1730 dans un avion de 1969, vous avez dit low tech ? Fun fact, the Boeing 747 features a sextant port for convenient celestial navigation in flight.

Ils volent aussi trĂšs haut et trĂšs loin, au printemps et Ă  l’automne : cette carte animĂ©e nous permet de suivre les oiseaux migrateurs Bird tracking

Les blogueurs bretons ont du talent ! Celui-ci nous régale avec ces magnifiques cartes en relief de 1905 - Parlons du territoire de France

Toujours en début de siÚcle ces étonnantes vidéos colorisées de Tokyo. Views of Tokyo, Japan, 1913-1915

Avec ou sans chariot, Decathlon poursuit sa mue vers une enseigne de services : vous pouvez désormais louer votre matériel de sport. Decathlon teste la location de matériel sportif pour un "usage à la demande"

Pour finir, vous pouvez Ă©couter mon entretien avec un autre StĂ©phane, StĂ©phane Bellavance de MontrĂ©al, sur le sujet de la mobilitĂ© intĂ©grĂ©e. LĂ -bas, conduire une automobile se dit “chauffer un char”. J’interviens Ă  partir de 19’09.

C’est fini pour aujourd’hui.

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Pour ma part je vous dis : Ă  mardi prochain !

Stéphane

Je suis StĂ©phane Schultz, de 15marches. Le jour je suis consultant, je prends des trains Ă  travers les plaines. La nuit je lis et j’écris cette lettre.

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Ruiz Henri-Noel
May 31, 2022Liked by Les newsletters de 15marches

J’avais Ă©tudiĂ© il y a longtemps le lien pĂ©riurbanisation, voiture, congĂ©lateur, anonymisation de l’acte d’achat et bien sur lutte contre l’inflation (annĂ©e 70) pour comprendre le developpement des GMS pĂ©riphĂ©riques
le caddie a manifestement jouĂ© son rĂŽle aussi. Merci d’avoir complĂ©tĂ© le puzzle đŸ§©

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Les newsletters de 15marches
May 31, 2022Author

Un lecteur avisé BDphile me signale que Gaston Lagaffe avait déjà inventé une valise électrique en son temps https://pbs.twimg.com/media/C1wsEwCXcAA7zWD?format=jpg&name=large

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