4 questions pour une stratégie IA
L'intelligence artificielle semble avoir réponse à tout. Mais se pose-t-on réellement les bonnes questions ? Je partage mes réflexions suite à diverses interventions sur le sujet #263
👨🚀 Tous les mardis, Stéphane Schultz décrypte l’impact des technologies sur l’économie et la société... En savoir plus sur cette lettre : À propos
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🧭 De quoi allons-nous parler
Cet été les rencontres professionnelles mettent l’intelligence artificielle en tête d’affiche. Deux conférences m’ont permis de creuser différents cas d’usage pour la mobilité, et j’interviendrai prochainement auprès d’élus sous la forme d’ateliers d’évangélisation que j’ai conçus spécialement. Mon objectif n’est pas d’être le plus à jour ni le plus “opiniâtre” sur ces sujets - LinkedIn est désormais rempli d’expertes et experts : impossible de lutter - mais de bien prendre en compte leur dimension stratégique. D’où venons-nous, où en sommes-nous et où allons-nous avec ces technologies ? En les replaçant dans un continuum de transformations, cela permet de se poser les bonnes questions, faute d’avoir dès maintenant toutes les bonnes réponses.
Je propose de vous partager ici quelques une des questions que me pose l’irruption des IA dans nos organisations. C’est évidemment un “travail en cours” à compléter selon l’évolution très rapide de ces sujets.
Besoin d’une intervention dans votre organisation sur l’IA et la transformation numérique ? Parlons-en ! Répondez à cet e-mail ou contactez-moi ici.
🎯 Cette semaine
À chaque lettre un nouveau sujet décrypté : 4 questions sur l’IA
Nous vous proposons d’approfondir plusieurs questions pour vos réflexions sur l’IA.
Que peut-on faire dès aujourd’hui avec des IA ?
Prendre conscience des potentiels et limites des solutions sur le marché est la première étape.
Dans son excellente newsletter, l’analyste Benedict Evans classe en 4 niveaux les usages possibles de l’intelligence artificielle :
Le premier niveau consiste à (semi-)automatiser des tâches simples, sous forme par exemple de corrections automatiques ou de réponses-type que le programme suggère dans l’interface utilisateur. Vous restez toujours libres de les utiliser ou non.
Le deuxième niveau est plus complexe : vous pouvez “améliorer” ou modifier des travaux que vous avez réalisés - textes, visuels, sons, code informatique - sous forme semi-automatique ou selon des instructions en langage courant (aussi appelés “prompts”). Vous pouvez également créer des contenus de toute pièce avec de simples prompts.
Ces deux premiers niveaux existent déjà sous la forme de produits spécifiques ou intégrés pour le deuxième dans des interfaces plus générales comme ChatGPT par exemple. Leurs limites viennent tant d’erreurs récurrentes que de manque de cas d’usage à valeur ajoutée. “C’est sympa mais que puis-je en faire pour améliorer mon quotidien ?”.
Le troisième niveau est plus élaboré. Il s’agit de tirer parti de l’ensemble des fonctionnalités offertes par ces technologies pour par exemple prendre en photo le contenu de son frigo et demander en langage courant quels sont les plats que l’on pourrait cuisiner (et oui, comme Frigo Magique). Le potentiel des IA semble plus se trouver à ce niveau de “richesse de tâches” qu’à celle de la simple génération de contenus. Mais pour le moment, ce type de solution n’existe pas.
Le quatrième niveau correspond à ce que pourrait être un “assistant IA” : une solution capable de gérer la complexité de nos agendas, goûts, affinités, moyens,...pour réaliser des tâches que l’on confierait uniquement à un humain compétent et avisé. Non seulement ce dernier niveau n’existe pas encore, mais il semble hors de portée de la plupart des acteurs en place pour les raisons que nous allons aborder.
World model ou context model ?
La récente conférence d’Apple a permis à la firme de dévoiler sa stratégie très attendue en matière d’intelligence artificielle. En résumé il s’agit d’un mix entre deux modèles très différents :
le context model va utiliser les données collectées par l’appareil ainsi que la suite de logiciels d’Apple pour améliorer les réponses apportées par son “chatbot” SIRI. Si vous utilisez ces solutions Apple pourra tenir compte de vos contacts, agenda, SMS, notes, rappels, recherche d’itinéraires, emails,…avec votre consentement et - très important - sans que ces données “sortent” de votre téléphone / votre cloud privé Apple. Les requêtes sont en revanche limitées à certains sujets.
le world model utilise des solutions “générales” comme ChatGPT pour fournir des réponses plus larges et complètes, mais peu contextualisées. Un accord a d’ailleurs été passé au plus haut niveau entre Apple et OpenAI pour faire de ChatGPT la solution par défaut. Les requêtes de l’utilisateur sont transmises à OpenAI.
La stratégie “bi-modèle” d’Apple montre à la fois la position avantageuse qu’elle possède en maîtrisant de précieuses données contextuelles, et les limites des solutions “world model” : jamais ChatGPT n’accèdera à vos données contextuelles, tant pour des raisons stratégiques (jardins fermés d’Apple ou Google) que réglementaires. L’Union Européenne veille à cloisonner et protéger l’usage de vos données. Pour revenir à la question précédente, proposer des solutions de niveaux 3 et 4 supposera immanquablement de disposer de données contextuelles. Aurez-vous accès à ces données pour les solutions que vous souhaitez déployer ? Pourrez-vous en garantir la maîtrise si celles-ci sont transmises à des opérateurs extérieurs ?
Fonctionnalité ou produit ?
Nous abordons là une question de stratégie de conquête du marché. Les IA vont-elles être utilisées plutôt comme des produits - par exemple ChatGPT - ou comme des fonctionnalités incluses dans d’autres produits : LinkedIn lorsqu’il vous propose des réponses-type aux messages reçus, Notion pour l’amélioration de vos productions ou Apple lorsqu’il vous présente des options à cliquer, utilisent l’IA comme une fonctionnalité. Elle est située “sous” les fonctionnalités de ces solutions, intégrée dans l’expérience utilisateur. On se fiche à la rigueur de savoir comment elles fonctionnent. En revanche des solutions plus génériques comme ChatGPT ou Copilot sont des produits. Il faut créer un compte, les ouvrir, les renseigner. Un produit va-t-il dominer tout le marché ou bien trouverons-nous “un peu d’IA” dans chaque solution que nous utilisons ?
Quelle radicalité dans l’usage des IA ?
Je rappelle souvent la définition de Ludovic Cinquin : “la transformation numérique est l’exploitation radicale des possibilités d’internet” pour évoquer la manière non-conventionnelle dont les tech companies ont abordé leur marché. Uber n’a pas créé de logiciels pour les taxis. Booking n’a pas développé de solutions pour les hôteliers. Ils ont bouleversé de fond en comble ces secteurs. Idem par exemple pour la photographie numérique :
On partageait déjà nos photos numériques sur Flickr. Mais Instagram avec ses filtres a transformé la manière de prendre des photos sur smartphone. Et Snap a fait de la vidéo géolocalisée un mode d’expression en utilisant radicalement toutes les fonctionnalités du smartphone.
Ou encore la navigation routière. Quel rapport entre Bison Futé et Waze ? Ce sont deux solutions qui utilisent des données de circulation routière, mais la comparaison s’arrête là. Waze a utilisé toutes les possibilités offertes par le smartphone, la connectivité et l’intelligence des foules.
L’IA sera-t-elle utilisée uniquement pour gagner du temps et générer plus d’idées ? Ou sera-t-elle exploitée de manière beaucoup plus radicale par un nouvel acteur ? Il ne fait aucun doute que les Bison Futé ou Flickr utiliseront l’IA pour améliorer leurs solutions. Mais je vous conseille plutôt de surveiller les prochains Waze ou Snap de votre domaine qui seront construits nativement autour des possibilités de l’IA.
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🧐 Et aussi
Des ressources utiles en lien avec le sujet traité cette semaine.
L’article de Benedict Evans - Looking for AI use cases
Le podcast de Benedict et de Toni Cowan-Brown est également une mine de réflexions sur les technologies - Another Podcast
La présentation d’Apple sur l’IA - Introducing Apple Intelligence
🤩 On a aimé
Nos trouvailles de la semaine, en vrac et sans détour
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💬 La phrase
“De tous les instruments de l’homme, le plus étonnant est, sans doute, le livre. Les autres sont des extensions de son corps (…) Le livre est une extension de la mémoire et de l’imagination”. Jorge Luis Borges.
C’est terminé pour aujourd’hui !
🌤 La lettre va prendre ses quartiers d’été. Vous la retrouverez à la rentrée.
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Stéphane
Je suis Stéphane Schultz, de 15marches. Le jour je suis consultant, je prends des trains à travers les plaines. La nuit je lis et j’écris cette lettre.