Le Petit Prince des Caraïbes
Rencontre avec Gaël Musquet, l’homme qui voulait sauver son île. Et si c’était l’exemple à suivre pour se préparer au monde d’après ? #168
👨🚀 Tous les mardis, Stéphane décrypte l’impact de la transformation numérique sur l'économie et la société.
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💌 Vous et moi
Cette semaine j’ai envie de partager avec vous l’expérience de quelqu’un que j’admire beaucoup : Gaël Musquet.
L’entendre dans l’émission “le Code a Changé” de Xavier de La Porte sur France Inter m’a fait chaud au coeur. Cette exposition médiatique est amplement méritée, mais j’ai aussi apprécié le fait que cette interview prenne des détours bizarres, loin des exercices très convenus que l’on peut entendre ailleurs.
Je ne cesse de penser depuis aux multiples pistes qu’ouvrent cette interview par rapport aux sujets que nous développons dans cette lettre : le rapport aux technologies, la place d’internet dans la société, le rôle des citoyens et notre attitude face au futur.
Si vous connaissiez déjà Gaël, j’espère que vous vous retrouverez dans mes commentaires. Si vous ne le connaissez pas, j’espère qu’il vous inspirera.
🎯 Cette semaine
Un sujet qui nous a marqué
Gaël Musquet n’a pas fondé de startup, n’a pas levé de millions ni occupé de postes prestigieux au titre ronflant. Il ne vit pas à Paris mais au coeur de la Normandie. Non, Gaël c’est juste un gars qui utilise les technologies pour “faire le Bien”, comme il le dit lui même. Et pour cela, il possède une qualité essentielle au XXIème siècle : savoir connecter les connaissances, les compétences et les techniques présentes partout dans le monde.
L’interview est centrée sur le propre parcours de Gaël, des Abymes en Guadeloupe à la Normandie où il devient météorologue faute de pouvoir être astronome, puis autant de voyages pour connecter les hommes à la nature et prévenir les catastrophes. Avec bien sûr OpenStreetMap, cette utopie collaborative qu’il a si bien représenté et promu en France. Comme un symbole là aussi de la technologie qui connecte les gens sans passer par un pouvoir central.
Celui qui se définit comme un “bébé Matrix” sert aussi d’exemples pour d’innombrables contributeurs d’un soir ou d’une vie, à qui il montre le chemin. Un parcours de pirate devenu serviteur du Roi puis corsaire. Toujours à l’écoute, toujours “les mains dans le cambouis” pour démonter, réparer et reconstruire.
Cette interview vous permet aussi de partager sa passion pour la technologie ouverte, celle des bricoleurs, ceux qui cassent les jouets pour voir “comment c’est fait”. Une technologie frugale, loin du marketing, des levées de fonds et des dark patterns.
Réfléchissez, vous avez peut-être déjà croisé Gaël au cul d’une Tesla, en train d’expliquer comment capter le signal des bateaux qui passent sur le fleuve d’à côté ou de montrer la vidéo d’un drone détecteur de tsunamis. Toujours le sourire aux lèvres, toujours un oeil sur les données qui défilent sur son écran, toujours à la main des trucs électroniques qu’on dirait tout droit sortis d’un marchand de Hi-Fi des années 80.
Photo : Wikimedia Commons
Gaël sait raconter la technique aussi, pour mieux nous rassurer sur le fait qu’elle est un élément de la solution et pas du problème. Comme par exemple ce lien entre l’éruption de la Montagne Pelé, la radio amateur et la Tour Eiffel. Ou la nécessité de devenir tous des “faiseurs”, des gens qui savent comment fabriquer, utiliser et réparer les choses du quotidien.
Xavier de La Porte va assez loin dans la recherche des “moteurs” qui animent Gaël : ses parents, la religion, son insularité, les symboles du code ouvert ou fermé, le piratage pour se faire des amis,…Tout cela pour devenir le hacker citoyen qui utilise ses compétences pour casser les monopoles de l’IGN et de l’État centralisateur Outre-Mer. N’y voyez pas de dogme libertaire ou révolutionnaire : juste du pragmatisme et la conscience qu’avec la technique, on peut faire levier de la créativité de millions d’individus.
Son histoire personnelle se boucle quand il met ses compétences au service de la protection de “son” île, la Guadeloupe, contre les dangers multiples qui la menace. Installer des capteurs de tsunamis et de tremblement de terre, former les populations aux manœuvres de prévention et de protection. Trouver des solutions contre la pénurie d’eau, d’électricité, de nourriture. Préparer au pire.
L’histoire de Gaël ressemble un peu à celle du Petit Prince de St-Exupéry, obligé de quitter sa planète en danger pour trouver de l’aide et revenir pour la sauver.
Mais à bien l’écouter, Gaël ne se bat pas que pour son île. Son combat est beaucoup plus universel.
Une catastrophe, c’est la conjonction d’un évènement grave ET de l’impréparation. On ne peut pas prévoir quand le premier va arriver, mais on peut s’y préparer. Gaël n’a pas son pareil pour révéler les faiblesses et les fragilités de nos sociétés modernes. Des voitures connectées à la merci d’une valve de pneu. Des data centers situés sous le niveau de la crue du siècle. Des satellites qui peuvent disparaître à la moindre éruption solaire…
Alerter. Expliquer. Proposer des alternatives simples, accessibles et résilientes. Dans un monde qui a de plus en plus peur de lui-même, notre astronome amateur nous offre une leçon de réalisme. À travers l’exemple “fini” de son île et la perspective très concrète d’une catastrophe imminente qui la menace, Gaël nous incite à passer à l’action partout. Et à nous préparer tous dès maintenant aux menaces à venir : catastrophes, crises, pénuries,...
Personne ne s’en sortira tout seul. Mais tous ensemble, si nous le voulons, nous pourrons survivre. À chacun de prendre sa part en apprenant un métier, un savoir-faire, une compétence,…utiles dans le “monde d’après”. Fabriquer du pain, un four, utiliser une radio sans électricité, un sextant,…Se préparer méthodiquement au pire, pour mieux vivre le présent. Ne pas subir la technique. La maîtriser.
Écoutez sa conférence sur la prévention des risques (lien plus bas) : vous verrez que les solutions sont - littéralement - à portée de main mais que, par infantilisation, méconnaissance ou aveuglement, personne ne nous en parle.
Ce n’est pas un paradoxe si le hacker travaille aujourd’hui pour l’Armée : les militaires portent depuis longtemps un grand intérêt pour ce type d’approches non conventionnelles. Le corsaire rejoint la Marine. La boucle est bouclée.
Mais ne cherchez pas Gaël. Il est sans doute en Afrique, au milieu de la Méditerranée ou à Vernon en train de déposer ses enfants à l’école.
Ne cherchez pas Gaël : imitez-le.
🧐 Et aussi
Des ressources utiles en lien avec le sujet traité cette semaine.
L’interview : Gaël Musquet, le hacker qui préparait l'effondrement - le Code a changé - X. de la Porte
Guide de survie numérique, la conférence de Gaël (en uniforme) à Web2Day. Armaggedon, guide de survie numérique
Le reportage de Libé qui a suivi Gael et son association HAND sur le terrain aux Caraïbes Reportage - Guadeloupe : quand les geeks piratent les tsunamis
L’action de HAND, l’association de Gaël qui oeuvre pour la prévention des risques dans les Caraïbes Hackers Against Natural Disasters: accustoming people to risk
Quatre-vingt-dix secondes, le roman d’un autre antillais, Daniel Picouly, qui raconte l’éruption de la montagne Pelé en 1902. Quatre-vingt-dix secondes (oui je sais je digresse mais j’ai beaucoup aimé ce livre et j’aime bien taquiner Gaël avec la Martinique).
🤩 On a aimé
Nos trouvailles de la semaine, en vrac
Les 44 conseils de l’entrepreneuse Jaime Schmidt pour fêter ses 44 ans Twitter - à dérouler
Parmi les innombrables femmes oubliées de l’histoire, vous ne connaissiez sans doute pas Eímear Noone and Manami Matsumae (moi non plus, rassurez-vous). Elles ont pourtant composé des musiques écoutées par des millions de gens. The Women Who Invented Video Game Music
Le plastique c’est fantastique. Un bel article pour les abonnés du Monde sur l’avenir du plastique dans le mobilier. On mesure tout ce qui nous reste à faire techniquement et culturellement pour sortir des produits pétroliers. Le plastique en quête d’avenir
On termine en beauté avec les plus belles photos prises avec un drone. Spéciale dédicace à Gaël, évidemment Drone Photo Awards 2021
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Pour ma part je vous dis à dans 3 semaines, la lettre va prendre des vacances de la Toussaint bien méritées. Prochaine édition le 9 novembre.
Stéphane