Comment nous déplacerons-nous en 2030 ?
Taxis volants ou cours de yoga dans son salon ? Revue des tendances à suivre pour la décennie. #172
👨🚀 Tous les mardis, Stéphane décrypte l’impact de la transformation numérique sur l'économie et la société.
Vous avez été 7 000 à lire notre édition de la semaine dernière. Merci et bienvenue aux nouveaux abonnés !
Pas encore abonné•e ? Inscrivez-vous pour recevoir chaque semaine une nouvelle édition dans votre boîte mail.
💌 Vous et moi
Cette semaine je vous partage le résumé d’une conférence que nous avons conçue avec Noémie sur le sujet du futur des mobilités.
Ce thème est généralement illustré de visuels de taxis volants et de skylines la nuit. Vous ne trouverez rien de cela dans notre cas.
Nous avons essayé comme à notre habitude de faire un pas de côté, en mêlant nos deux approches : Noémie dans l’analyse des comportements et modes de vie, et votre serviteur sur la technologie et les modèles économiques. J’espère que cela vous intéressera.
Certains d’entre vous ont peut-être déjà assisté à cette conférence, que nous avons déjà donné à quelques reprises en entreprise. Parlez-en aux autres !
🎯 Cette semaine
Un sujet qui nous a marqué
Nous avons sélectionné 7 tendances qui selon nous vont impacter la mobilité dans la décennie à venir. Ces tendances peuvent apparaître comme complémentaires, mais elles peuvent aussi être opposées. Car s’il est difficile de prévoir l’avenir, une chose semble certaine : la mobilité va devenir un terrain de jeu politique de premier ordre.
Voici un résumé des 7 tendances :
L’inflation des dépenses énergétiques
Nous avons vécu 60 années de croissance portées par une énergie abondante et bon marché. Tous les indicateurs sont maintenant durablement au rouge, et cette inflation des coûts énergétiques aura des effets systémiques sur l’ensemble de nos activités. Voyageurs, entreprises, collectivités locales : tous sont concernés. De même qu’il n’y aura plus de politique environnementale sans politique de mobilité, il n’y aura plus de politique de mobilité sans volet énergétique.
Votre automobile ne vous appartiendra plus
En se numérisant, l’automobile adopte aussi les contraintes du logiciel : systèmes protégés, fermés, mis à jour à distance. L’exemple des fermiers américains montre que la fin du “droit à réparer” remet en cause la notion même de propriété d’un véhicule. Ça tombe bien, les géants du logiciel ont des solutions à vous proposer à la place. Plutôt que la fin de la voiture, c’est plutôt la fin d’un modèle de possession de la voiture qui s’annonce.
L’ère du gris
Comme pour le logiciel, un marché parallèle de réparation et transformation des véhicules va prospérer. Garages à ciel ouvert, tuning, comportements illégaux vont se développer à mesure que les contraintes réglementaires et économiques s’intensifient. Tout le monde n’achètera pas de véhicules électriques neufs, et tout le monde ne respectera pas les contraintes de plus en plus lourdes pesant sur l’usage de la voiture.
La vie en un clic
À l’opposé de la tendance précédente, une majorité d’utilisateurs va rechercher le moyen le plus simple de se déplacer, sans se poser la question de savoir comment ni pourquoi. Pensez au quick commerce par exemple. Avoir “tout en un clic” va devenir une exigence qui imposera une simplification copernicienne de l’offre de transport : rejet de la friction, de la perte de temps, de la paperasse. Le luxe ne sera pas forcément d’avoir la plus belle voiture, mais d’avoir le moins de contraintes pour se déplacer.
La fin du clivage ville/campagne
Si la mobilité restera structurée par de grands besoins de déplacement comme le travail ou les études, elle sera de plus en plus dépendante de choix individuels et politiques. Ces choix se détermineront selon une ligne de fracture qui séparera “ceux qui vivent là” depuis plusieurs générations et ceux qui se considèrent comme “citoyens de partout”. Les positions risquent de se radicaliser à mesure que l’urgence climatique va crisper les débats.
Au coeur des controverses futures entre ces deux “clans” : la voiture individuelle.
La crise du “commun”
Avec la crise climatique, tout le monde pensait que les transports en commun profiteraient d’un regain d’intérêt. Patatras, le COVID a révélé au contraire un profond désamour, qui s’étend plus largement à l’espace public et aux équipements partagés : piscines municipales, campings, colonies de vacances,…la demande de maîtrise, de personnalisation et d’individualisation est d’autant plus forte que les solutions numériques offrent de nouveaux formats hybrides : on peut désormais être “ensembles” de multiples manières. Le transport doit se réinventer.
La diminution de la mobilité
Le moteur de notre quotidien a calé avec les confinements successifs. Nous avons découvert tout ce que nous pouvions faire sans nous déplacer. D’abord vécu comme une contrainte, beaucoup avouent avoir apprécié cette période de “démobilité”. Les offres de loisirs, apprentissages, jeux, nouvelles formes de sociabilisation,…à la maison explosent. Le schéma de décision passe progressivement de “comment je me déplace ?” à “pourquoi devrais-je me déplacer ?”. L’ère du transport de masse s’éloigne.
Le marché de la mobilité risque de subir “l’effet sablier” : se resserrer en son centre, ne laissant que d’un côté ceux qui n’ont pas le choix de se déplacer en voiture, et de l’autre ceux qui peuvent le faire quand ils le souhaitent et comme ils le souhaitent. Le centre, plus étroit, sera le théâtre de nouvelles tensions à mesure que les politiques de lutte contre le dérèglement climatique se mettront en place.
La voiture, cigarette des années 2030 ?
Ceci n’est pas une tendance, mais une réflexion plus libre sur les conséquences des 7 tendances précédentes.
Symbole de conquêtes sociales et de liberté, la voiture est à peu de choses près dans la situation de la cigarette il y a 30 ans. Nécessité, liberté, addiction, luxe,…elle cristallisera les oppositions. L’épisode récent des Gilets Jaunes n’a peut-être été que le premier acte de ruptures beaucoup plus profondes. “Les modes de vie deviennent progressivement le théâtre d’une bataille culturelle et idéologique tandis que le rapport à la consommation se connote politiquement » écrivaient Jean-Laurent Cassely et Jérome Fourquet. À la fois culture et bien de consommation, la voiture n’échappera pas à cette bataille politique et sociale.
C’est encore mieux en live (en plus nous faisons cette conférence à deux) !
Nous avons déjà donné cette conférence devant 400 salariés et un comité de direction, avec à chaque fois des échanges très riches.
Contactez-nous si vous souhaitez organiser une présentation pour votre organisation, sur place ou à distance, en français ou en anglais. D’une durée de 30 minutes environ, elle est généralement suivi d’un échange avec les participants sur les impacts et solutions à apporter.
Nous proposons aussi d’autres conférences et masterclasses sur les sujets du futur du travail, la transformation numérique et le marketing de l’innovation.
🤩 On a aimé
Nos trouvailles de la semaine, en vrac
Les nouveaux formats fleurissent pour nous sensibiliser au dérèglement climatique. Ce jeu interactif pour créer sa propre politique de transport est remarquable. Play the game : can you fix smogtown ?
Nous l’avons déjà souligné ici, le travail d’enquête et de contenus de Leroy-Merlin sur les manières d’habiter aujourd’hui mérite toute votre attention. Leur dernière édition parle d’un sujet qui nous tient à coeur : les enfants et le logement, avec trouver son identité et sa place quand on est âgé de 6 à 13 ans.
Si vous vous intéressez plutôt aux 15-25 ans, signalons cette belle série de podcasts, Place aux Jeunes, qui leur donne la parole. Ouest France - Place aux jeunes
On ne se lasse pas de ce couple de graphiste et cartographe dont on vous parle souvent. Ils sont interviewés ici sur leur passion : Clara Dealberto et Jules Grandin.
L’appli Citymapper lance de nouvelles fonctionnalités pour sécuriser les déplacements à pied la nuit : choisir de passer par des rues plus fréquentées et la possibilité de partager son trajet avec des proches en temps réel Citymapper.
Comme l’écrivent finement les gens de Citymapper, “personne ne devrait se sentir inquiet dans la rue ». Mais ce serait oublier la situation catastrophique que vivent les femmes dans la ville. Pour mémoire, cette enquête à Bordeaux constatait que, la nuit tombée, moins de 10% des femmes déclarent marcher seules. C’est page 24 ici : Enquête Femmes et Mobilité Urbaine, 2018
Si vous souhaitez parler de ce sujet en famille ou en entreprise, je recommande chaudement H24, 24 heures dans la vie d’une femme, une série de très courts métrages d’Arte sur les violences faites aux femmes. C’est fin et très bien réalisé.
En 1975 une équipe de chercheurs de la NASA et l’Université de Stanford ont travaillé sur un concept de stations spatiales circulaires. Des artistes ont illustré ces très sérieux concepts, donnant une série de visuels totalement cultes. Space colonies of the future as imagined by NASA in the 1970s
C’est du vécu : l’attente pénible et parfois angoissante devant les écrans des gares, les yeux rivés sur des pixels immobiles, prêts à se précipiter vers son quai une fois celui-ci annoncé. Tel un ruisseau libéré par un barrage, la foule court ensuite sans un bruit vers le train. Le vidéaste Scott Lazer a magistralement capté ces instants du quotidien dans son film Commute
L’occasion pour celles et ceux qui ne la connaîtrait pas de rappeler la formidable chaîne de vidéos Fouloscopie de Medhi Moussaid. Fouloscopie - YouTube
C’est fini pour aujourd’hui !
Si vous avez appréciez cette lettre, mettez un 💙 pour nous encourager ou envoyez-nous un petit mot. Merci !
Et n’oubliez pas la seconde newsletter de 15marches, Futur(s) :
👩🏻🚀 Tous les jeudis, Noémie raconte les futurs possibles en fiction.
Pour ma part je vous dis : à mardi prochain !
Stéphane
Comme d’habitude une analyse fine, éclairée et sans jugement des choix ou des personnes. Ça fait du bien à lire car c’est rare, merci !!
Interessante analyse du "comment" avant celle du "combien". On retrouve exactement cela dans les nouveaux scénarios Ademe 2050 qui privilégie ce changement d'approche comportemental et sociétale afin de le quantifier . Le grand écart est toujours possible mais nous connaissons désormais combien "coute" chaque chemin