Édition spéciale numéro 300
10 questions pour avoir l'air intelligent quand on parle d'intelligence artificielle / 3 livres à gagner / invitation à un webinaire privé #300
👨🚀 Tous les mardis, Stéphane Schultz décrypte l’impact des technologies sur l’économie et la société... En savoir plus sur cette lettre : À propos.
⭐️ Cette semaine c’est la 300ème édition de cette lettre ⭐️
En comptant 6 heures par édition j’y aurais consacré l’équivalent de 12 mois de travail à plein temps1. C’est fou. Heureusement, vous êtes là : cette infolettre cumule plus de 1,4 million de vues depuis janvier 20182 !
Cette semaine est aussi l’anniversaire de la sortie de mon livre le 16 octobre 2024 (un peu moins de vues que la newsletter malheureusement).
🎁 Pour fêter cela j’ai envie de vous faire deux cadeaux :
Vous permettre de participer à un webinaire privé où nous discuterons des questions soulevées dans cette lettre de cette semaine (limité à 30 places)
Vous faire gagner trois exemplaires de mon livre Après la Tech, le numérique face aux défis écologiques (tirage au sort).
Pour cela il suffit de répondre à ces deux questions (2 minutes) :
Merci pour votre participation !
Autoportrait - sans doute en train d’écrire une des 300 éditions .
🎯 Cette semaine
À chaque lettre un nouveau sujet décrypté : 10 questions pas trop bêtes sur l’IA
J’ai du réaliser un peu plus d’une douzaine d’interventions privées cette année quasi exclusivement sur un thème : l’intelligence artificielle. Entendez par là : “en quoi les IA génératives vont-elles changer ou non mon secteur ?”. Aborder ce sujet de manière aussi large nécessite en réalité de le segmenter en différents aspects technique, stratégique et politique. Aspects que j’ai résumés aujourd’hui en 10 questions, toutes soumises à débat cela va de soi.
1. Déterministe ou probabiliste ?
Ça a l’air compliqué mais ne partez pas, c’est de la logique.
Le code informatique est déterministe : le programme comme son nom l’indique effectue des tâches dans chaque cas de figure selon des règles prévues. Il utilise des bases de données identifiées. Ses règles sont explicables : on peut “remonter à la source” et comprendre le cheminement d’un résultat. ex : le code de Parcoursup
Le modèle de langage est probabiliste : à une question donnée il répond en combinant (pour du texte) des morceaux de mots, les tokens, selon la probabilité que ces morceaux forment les mots, phrases et paragraphes les plus pertinents pour l’utilisateur. Il s’est entraîné sur des tonnes de ressources (web, livres, conversations) dont il a exhaustivement analysé les combinaisons de tokens pour en déduire des milliers de milliards des paramètres qu’il applique ensuite à l’exercice demandé. Ses résultats sont généralement plausibles, parfois biaisés, avec des écarts qui peuvent être importants (hallucinations). Ils ne sont ni vrais ni explicables. Une IA n’est pas une base de données.
2. Peut-on utiliser l’IA dans tous les cas ?
Compte tenu de ce qui vient d’être dit en 1., l’usage des modèles de langage est particulièrement pertinent dans deux cas :
On connaît déjà la bonne réponse : l’outil va servir à résumer, détailler étape par étape ou encore proposer une adaptation; la vérification est simple puisque l’on connaît la réponse.
Il n’y a pas de bonne réponse : par exemple pour un travail créatif dans lequel est recherchée l’originalité et où les erreurs sont admises.
Dans tous les autres cas, le temps passé à repérer les erreurs risque de dépasser celui gagné avec l’IA.
Lire : Aux limites de l’IA
3. Aura-t-on encore besoin des humains ?
S’il s’agit d’automatiser une tâche répétitive dont on maîtrise les données d’entrée et dont on paramètre les résultats de sortie, le code est le plus pertinent. Pour faire plusieurs fois la même chose, la machine (ordinateur et programme informatique) est meilleure.
Pour résoudre des problèmes en mode “quelle est la probabilité que ce soit ça ?” en prenant en compte un contexte simple : les modèles de langage sont pertinents. Le modèle est bon là où l’ordinateur est mauvais, et vice versa.
Pour gérer des situations en tenant compte d’un contexte complexe avec notamment des facteurs humains : l’humain est meilleur, car il va faire appel notamment à son intuition. Là où l’intuition est nécessaire, l’humain est irremplaçable.
Lire : Ce que l’histoire de la musique nous apprend sur l’impact futur de l’intelligence artificielle
4. World model ou context model ?
Dans le premier cas (world) le modèle est le produit : on lui pose directement des questions en ajoutant des éléments de contexte, des données éventuellement. L’IA est le produit comme dans ChatGPT ou Le Chat de Mistral.
Dans le second cas (context) le modèle est “derrière” le produit : l’IA est une fonctionnalité d’un autre produit, pour suggérer un complément de phrase ou résumer un échange. De plus en plus de produits que vous utilisez proposent des “fonctions IA” : pour écrire, créer un visuel ou coder.
La mise en œuvre de l’IA s’appuie donc sur des stratégies différentes selon le cas de figure.
Lire : 4 questions pour une stratégie IA
5. Avec ou sans pub ?
Si la gratuité permet de conquérir des utilisateurs à la vitesse de la lumière (800 millions en deux ans pour ChatGPT), le freemium connaît des limites. D’où le besoin de creuser d’autres modèles de revenus : appstore, APIs, agents,...sans oublier un navigateur et un réseau social pour OpenAI. Le lancement récent par exemple de Sora, une app de vidéos entièrement générées par l’IA, vise à concurrencer TikTok. Plateforme, viralité, engagement : tout est prêt pour la publicité. Qui sera elle-même générée par des IA. Ne nous attendons pas à de la légèreté et de la retenue…
Cela pose encore plus de questions sur le futur du “web classique” financé lui aussi par la publicité.
Lire : La fin des 10 liens bleus
6. Atteindrons-nous un jour l’intelligence artificielle générale promise par Sam Altman ?
Non3.
7. L’IA générative est-elle une révolution aussi importante qu’internet, l’imprimerie ou l’électricité ?
Des analystes comme Nicolas Colin considèrent que nous sommes actuellement en fin de cycle d’innovation. L’IA générative, telle qu’elle est disponible aujourd’hui, serait la dernière phase d’un cycle qui nous a vu passer de l’ordinateur “au bureau” à l’internet mobile et aux réseaux sociaux. Elle ne serait pas un changement radical qui bouleverse les forces en présence, l’expérience utilisateur et le triptyque smartphone - apps - cloud.
Lire : Mistral gagnant
Pour comprendre ce que l’on entend par usage radical de technologies nouvelles, je montre souvent ces exemples.
Waze fait un usage radical des smartphones en connectant ceux des utilisateurs à son calculateur d’itinéraires, là où Bison Futé ne s’en sert que pour diffuser de manière « descendante » ses prévisions.
8. Tech, deep tech ou hard tech ?
Les années 2010 nous ont fait croire que le futur appartenait aux plateformes dématérialisées comme Uber, Meta ou Amazon. Aucune chance à l’époque de faire financer votre startup si celle-ci nécessitait des investissements en “brique et mortier”.
Les confinements successifs ont rappelé au contraire la “matérialité” de l’économie réelle derrière le mirage de la dématérialisation. Pas d’e-commerce sans logistique, pas de logistique sans infrastructure, pas d’infrastructure sans gouvernance politique. En quelques mois les activités nécessitant des investissements en capitaux (matériel, usines, centres de données, câbles, production d’énergie,...) sont redevenues ce qu’elles ont toujours été : des actifs stratégiques.
À celles et ceux qui pensent que les IA génératives servent à confier ses secrets ou faire ses devoirs, cette histoire récente devrait servir de leçon. Non seulement les IA génératives ont besoin d’infrastructures (tellement d’ailleurs que cela posera à court terme des questions d’accès à l’énergie et aux ressources), mais leur véritable utilité semble être du côté de l’industrie de pointe.
Le software a cru dévorer le monde. Le centre de gravité bascule vers des technologies plus “hard” : électronique, photonique, biotechnologies, nouveaux matériaux, chimie, robotique,...Produire et transporter de l’énergie, transmettre de l’information, construire des usines, fabriquer des biens. Aussi évanescente soit-elle, l’IA remet la technologie sur une carte.
9. Tech ou tech ?
Les majuscules, ça compte.
La Tech (selon la terminologie utilisée pour parler des big tech ou GAFAM chez nous), c’est quand vous devez charger l’appli Prime Vidéo sur votre iPhone pour regarder la Ligue 1 Uber Eats. Elle symbolise l’hégémonie, l’argent fou et des patrons prêts à toutes les compromissions pour maintenir le cours de l’action.
La tech c’est quand trois chercheurs de Google Deepmind reçoivent les prix Nobel de physique et de chimie en 2024 pour leurs découvertes scientifiques. C’est le Molmo Act qui permet aux robots de percevoir leur environnement dans une usine. C’est le partenariat entre Mistral et ASML pour améliorer la conception de ses puces électroniques.
Il est légitime de s’inquiéter des liens entre Tech et tech. Il est dangereux selon moi de vouloir jeter le bébé tech avec l’eau de la Tech. Je ne développerai pas plus, j’ai écrit un livre sur ce sujet (que vous pouvez gagner, voir plus haut).
10. Comprendre ou subir
Malgré tout le battage médiatique sur ChatGPT et les centaines de milliards de dollars investis (parfois de manière circulaire), personne ne peut en réalité savoir aujourd’hui si l’IA dépassera le stade du “logiciel qui suggère des réponses”. Surtout, rien ne dit que les applications phares d’aujourd’hui seront celles qui connaîtront le succès demain. Mais après tout peu importe.
Alors que les cycles s’accélèrent, il est plus que jamais essentiel d’être en mesure de construire votre propre opinion et, si cela est nécessaire, votre propre stratégie. La douzaine de conférences sur l’IA que j’ai réalisées cette année m’a appris une chose : les acteurs économiques n’ont pas une “soif d’IA”. Ils ont une soif de comprendre ce qu’il se passe derrière leurs écrans. Quels sont les grands principes, les forces en présence et les logiques à suivre.
C’est la mission en tout cas que je me suis donnée à travers cette lettre et les interventions que je propose à mes clients. Merci à vous de me permettre de la réaliser. En route pour les 300 prochaines !
N’oubliez pas de participer à notre concours !
C’est terminé pour aujourd’hui !
La lettre prend des vacances. On se retrouve dans le froid de novembre.
Si vous avez apprécié cette lettre, laissez-nous un 💙 pour nous encourager. Vous pouvez également acheter mon livre pour soutenir mon travail (et l’édition indépendante française).
Stéphane
Je suis Stéphane Schultz, de 15marches. Le jour je suis consultant, je prends des trains à travers les plaines. La nuit je lis et j’écris cette lettre.
Et toujours 0 utilisation d’un GPT pour rédiger. Que du fait main !
Je me méfie des chiffres d’usage car on ne sait jamais trop ce qui est pris en compte. Le nombre d’abonnés est passé de 2000 à 11 000 en 7 ans.
Vous pouvez toujours débattre de ce que signifierait une IA Générale si elle existait un jour. Cela permettra de relativiser les prophéties sur le sujet.






Passionnant, merci pour ces analyses.
Merci Stéphane, très intéressant et solide comme d’hab. longue vie à 15 marches !