Les humanoïdes associés
Depuis plus de 50 ans les robots humanoïdes font partie de notre imaginaire mais peinent à devenir réalité. Et si les dernières avancées en matière d'IA permettaient de franchir ce gouffre ? #229
👨🚀 Tous les mardis, Stéphane décrypte l’impact des technologies sur l’économie et la société... En savoir plus sur cette lettre : À propos
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🧭 De quoi allons-nous parler
Dans un article récent du magazine Wired, le journaliste Steven Levy prêtait ces mots à Sam Altman, le co-fondateur d’OpenAI : “ si vous aviez demandé à la personne que j’étais quand j’avais 10 ans, qui passait déjà beaucoup de temps à rêver à l’intelligence artificielle, ce qui allait se passer plus tard, ma prédiction assez confiante aurait été que d’abord nous aurions des robots qui allaient faire tout le travail physique. Ensuite nous aurions des systèmes qui feraient tout le travail cognitif basique. Et beaucoup plus tard, peut-être allions-nous avoir des systèmes capables de réaliser des opérations complexes comme démontrer des théorèmes mathématiques. Mais au final nous avons l’intelligence artificielle qui peut créer de nouvelles choses et produire de l’art et des écrits et faire des choses très humaines. Ma prédiction était totalement fausse - c’est allé exactement dans le sens inverse”.
Terminator va fêter ses 40 ans, et cela fait déjà plus de 10 ans que le scénariste suédois Lars Lundström créait Real Humans, une série dans laquelle des robots “humanisés” à l’extrême s’invitaient dans notre quotidien, pour le meilleur et pour le pire. Depuis, comme pour les véhicules autonomes, le soufflet semble retombé. Hormis au Japon, les humanoïdes sont réduits au rôle de gadgets dans les évènements tech et à quelques cas d’usage limités. Depuis la sortie de ChatGPT en novembre dernier, la possibilité de chater avec un générateur de textes, de code ou d’images remporte toute l’attention du grand public.
Est-ce pour autant terminé pour les robots ? Des modèles peut-être moins “humanisés” ne vont-il pas au contraire se développer sous des formes et des cas d’usage beaucoup plus spécialisés, comme les drones ou les robots industriels ? Après tout, faut-il “incarner” un humain pour en reproduire les capacités ?
C’est le thème qu’a souhaité explorer Marie Dollé, éditrice de la newsletter In Bed With Tech (en français et anglais), que nous avons invité cette semaine. Experte en détection de services émergents, Marie a choisi de s’interroger sur l’avenir des robots intelligents.
🎯 Cette semaine
À chaque lettre un nouveau sujet décrypté : le billet invité de Marie Dollé sur les robots
“Du virtuel au réel : Quand l’IA prend vie.
En mars dernier, OpenAI a leadé un tour de financement de $23,5M en faveur de 1X Technologies, anciennement Halodi Robotics, un acteur majeur de la robotique humanoïde. Cette démarche, loin d'être surprenante, s'aligne parfaitement avec la vision d'OpenAI. Comme l'a souligné Sam Altman dans The Atlantic : "Nous vivons dans un monde physique et nous voulons agir dans ce cadre." Avec cet investissement, la ligne entre fiction et réalité devient plus floue, laissant présager que les humanoïdes pourraient bientôt passer des écrans de cinéma à notre vie quotidienne.
La Course aux Humanoïdes
D’autant que la compétition pour développer ces robots humanoïdes est plus féroce que jamais. Boston Dynamics est en tête avec ses modèles avancés tels qu'Atlas et Spot, qui brillent par leur agilité et leur capacité à affronter des terrains difficiles. Juste derrière, SoftBank Robotics se distingue avec Pepper, conçu spécialement pour une interaction sociale fluide et adaptable à divers environnements. Hanson Robotics apporte une touche d'humanité avec ses robots au visage expressif et réaliste, dont la célèbre Sophia. Le Toyota Research Institute approfondit la frontière entre humains et machines, avec des projets tels que le T-HR3, visant à optimiser l'interaction humain-robot. En parallèle, l’espagnol PAL Robotics propose des robots aux compétences variées, adaptés à divers domaines allant de la recherche à la santé. Apptronik, avec son innovant Apollo, s'ajoute à cette liste croissante d'acteurs majeurs du domaine. Sans oublier Tesla d'Elon Musk, avec son prototype 'Optimus', et Figure, une start-up qui a récemment levé 70 millions de dollars.
En parallèle, la recherche avance à grands pas pour offrir aux humanoïdes une sensorialité plus authentique. Des équipes plongent déjà dans des données audio-visuelles pour enrichir les capacités des IA. À noter, un projet innovant de Stanford et Carnegie Mellon qui a créé un répertoire tactile pour mille objets du quotidien. Ces avancées sont cruciales pour les IA incarnées, capables d'interagir dynamiquement avec leur environnement.
Des robots & des hommes
À mesure que les robots humanoïdes gagnent en sophistication, leurs applications se diversifient et répondent à des besoins concrets de notre société. Dans le secteur du retail, ils peuvent accueillir, guider les clients, et gérer les stocks, offrant ainsi une solution pour pallier les pénuries de main-d'œuvre. Ils peuvent également assister les personnes âgées à domicile, enseigner dans les écoles, ou encore intervenir lors de missions de sauvetage en terrain difficile. L'objectif est double : optimiser des tâches spécifiques tout en renforçant l'interaction et la coopération avec les humains. Dans un contexte de démographie changeante et de besoins croissants, ces robots promettent d'être des alliés de choix pour relever les défis du futur.
Et pourtant, ils interrogent…
Récemment, à un sommet de l'ONU consacré à l'intelligence artificielle, un groupe de robots humanoïdes n'a pas hésité à prendre la parole. Présentant un réalisme saisissant, ils ont affirmé pouvoir surpasser les humains dans la direction du monde, vantant leur capacité à traiter rapidement de grandes quantités de données sans être entravés par les préjugés ou émotions humaines. Cependant, ils ont aussi reconnu leur manque d'émotion, et certains ont appelé à une régulation stricte de l'IA. Cette intervention audacieuse a suscité de vives réactions, avec une secrétaire générale de l'ITU qui a mis en garde contre les dangers potentiels de l'IA.
Vers une nouvelle conception de l'humain augmenté ?
Lorsque l'on évoque l'avenir, l'imaginaire collectif dépeint souvent des humains mi-hommes mi-machines. Pourtant, Sydney J. Harris nous avait averti : “Le vrai risque ne réside pas dans l'éventualité que les ordinateurs se mettent à penser comme les hommes, mais que les hommes commencent à penser comme les ordinateurs.” Ainsi, plutôt que de chercher à transformer radicalement l'humain en machine, ne serait-il pas plus judicieux de s'appuyer sur la technologie pour enrichir nos capacités naturelles, tout en préservant notre essence profonde ?
Microsoft illustre cette vision. En voulant faire de l'IA une partie de notre quotidien, la firme a récemment déposé un brevet pour un "vêtement assisté par l'intelligence artificielle". Plus qu'un simple gadget, c'est un allié "contextuellement conscient" qui répond aux besoins de l'utilisateur en temps réel, créant une symbiose où l'homme n'est pas submergé par la technologie, mais enrichi par elle.
Le brevet de Microsoft détaille un sac à dos intelligent avec des capteurs scrutant l'environnement. Face à des commandes vocales contextuelles, l'IA du sac décrypte l'intention de l'utilisateur pour agir. Imaginons un skieur s'interrogeant sur une direction; le sac lui indique : "Cette direction est hors limites. Skiez à droite". L'atout majeur de ce sac ? Il ne transforme pas l'individu, mais affine ses choix grâce à des retours d'information pertinents.
Dans un monde où le numérique pèse chaque jour sur notre bien-être mental, l'intérêt pour le "low tech" et la "digital detox" grandit. Et si ces mouvements, refaçonnant notre lien au digital, nous guidaient vers un futur éloigné des dystopies tant redoutées...?”
Merci Marie pour ce tour d’horizon des usages de l’AI et ces réflexions. Je ne sais pas s’il restera encore de la neige d’ici à ce que ce sac à dos soit commercialisé, mais surtout, gardons-nous de “penser comme des ordinateurs” et restons libres d’aller où bon nous semble.
🧐 Et aussi
Des ressources utiles en lien avec le sujet traité cette semaine.
La newsletter de Marie Dollé. In Bed With Tech
L’article de Steven Levy sur Sam Altman et OpenAI - What OpenAI really wants - Wired
L’intervention très médiatisée des robots lors du congrès de l’ITU VIDÉO - À l'ONU, des robots se disent capables de "diriger" le monde avec plus d'efficacité que les humains
Cette recherche montre que les humains se sentent plus à l’aise avec un “coach” robotique s’il ne ressemble pas à un humain. Want a robot life coach? Workers love it — as long as they don’t look like people
Les robots servent aussi et surtout à faire la guerre In U.S.-China AI contest, the race is on to deploy killer robots
Mais bon pour finir sur une note humoristique, disons qu’ils ne sont pas encore totalement au point 🤪
🤩 On a aimé
Nos trouvailles de la semaine, en vrac et sans détour
Ils n’aiment pas les voitures autonomes et ont décidé de les bloquer à l’aide de cônes de signalisation. À San Francisco on appelle ça le coning. We Spoke to One of the Activists ‘Coning’ Cruise and Waymo Robotaxis in San Francisco
À l’opposé des voitures autonomes, des GPS et du télépéage, éloge de la lenteur : Marc Verney vous propose de prendre les chemins de traverse en vous emmenant à la découverte de nos routes nationales oubliées. Sur ma route
Et si on restait au frais ? Cette carte recense toutes les essences d’arbres du Grand Londres. London Street’s Trees
En mal d’inspiration ? Le convertisseur stupide qui permet de convertir n’importe quoi en n’importe quoi d’autres - Dumb Converter
Vous préférez les calculateurs qui calculent tout et n’importe quoi ? Ils sont à peu près tous ici List of calculators
💬 La phrase
“I don’t give a fuck if you boo, as long as you boo in key” (qui pourrait se traduire par : “peu me chaut si vous me huez, du moment que vous me huez dans la bonne tonalité”). Jimmy Hendrix, lors du mal nommé Love & Peace Festival de Femharn le 6 septembre 1970, 12 jours avant sa mort.
Nota bene : Les Humanoïdes Associés est le nom d’une maison d’édition tout ce qu’il y a de plus réelle qui rappellera aux plus anciens leurs vertes années.
C’est terminé pour aujourd’hui !
À la semaine prochaine.
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Je suis Stéphane Schultz, de 15marches. Le jour je suis consultant, je prends des trains à travers les plaines. La nuit je lis et j’écris cette lettre.
Isaac Asimov était vraiment très très en avance ! Merci