Quand le SaaS se rebiffe
Après la folie des plateformes, les "bons vieux SaaS BtoB" reviennent sur le devant de la scène. Quand l'économie se transforme en profondeur, rien ne vaut les classiques #164
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💌 Vous et moi
Beaucoup de bonnes nouvelles pour l’agence cette rentrée. Attendez-vous à quelques annonces bien sympa prochainement #teasing.
Cette semaine je vais vous parler d’une tendance à suivre : le succès d’entreprises proposant des solutions simples, en ligne et collaboratives. Le rachat de MailChimp par Intuit pour 12 milliards de dollars en est la preuve. Salesforce avait montré la voie, et Canva plus récemment. Après la “folie” des plateformes BtoC et leurs valorisations stratosphériques, le “SaaS” se rebiffe. Décryptage.
🎯 Cette semaine
Un sujet qui nous a marqué
Quiconque a déjà posté un article sur le web connaît cette sensation : l’angoisse du moment où l’on hésite devant le bouton “envoyer”. Cette anxiété toute particulière rappelle la peur d’oublier quelque chose avant de fermer la porte d’entrée ou la panique en entendant les pas du professeur qui ramasse les copies. Le regard vers le bas avant le saut dans l’inconnu.
Personne n’a su mieux retranscrire ce moment que MailChimp : son gif animé montre un doigt de chimpanzé transpirant (le logo du “Chimp” est un singe avec une casquette de facteur) qui hésite à presser un bouton rouge avec un point d’exclamation. C’est le must de l’empathie utilisateur. Combien de fois ce simple avertissement m’a fait hésiter, vérifier, et peut-être éviter d’envoyer un texte avec une grosse erreur ? Et - génie pur - la même main apparaît une fois le bouton cliqué pour vous gratifier d’un “high five” triomphant : tape dans ma main, c’est dans la boîte ! Ensuite viendra l’inquiétude que personne ne lise votre article ou que tout le monde le lise mais le trouve nul et sans intérêt. Mais ça, le facteur n’y peut plus rien.
Créé en 2001, Mailchimp est un service tout-en-un qui permet aux entreprises de bénéficier de services de marketing en ligne “- as a Service”, simples à utiliser et payables à l’usage. Vous bénéficiez en quelques sortes des outils de diffusion d’un réseau social, des services d’une agence web et des conseils d’une agence de marketing, pour un prix modique et sans quitter votre fauteuil de bureau.
L’entreprise a été rachetée cette semaine par Intuit, une autre solution américaine pour les entreprises, spécialisée dans l’édition de documents comptables et fiscaux en ligne. Si nous en sommes à la troisième génération d’entreprises numériques avec les grandes plateformes BtoC (fondées autour de 2010), MailChimp (fondée en 2001) appartient à la deuxième et Intuit (1983) à la première, celle où l’on mettait des disquettes souples dans des ordinateurs jaunâtres. Les deux boîtes ont en commun d’avoir fait le même pari : utiliser le web pour s’adresser aux petites et moyennes entreprises, à une époque où celles-ci avaient le choix entre le tableur XL ou des agences hors de prix. “Notre mission est de donner du pouvoir aux petites entreprises” (MailChimp). “Faites ce que vous aimez faire, on s’occupe du reste” (Intuit). Les médias se sont beaucoup attardés sur le montant du rachat, 12 milliards de dollars (dont une partie en action), et sur le fait que MailChimp, contrairement à beaucoup de tech companies, n’avait jamais levé de fonds auprès de venture capitalists. 12 milliards pour 13 millions d’utilisateurs, ça fait plus de 900$ par utilisateur. Ramené aux utilisateurs payants, on arrive à 15 000$ par client ! 15 fois le revenu annuel (je vous laisse faire les calculs) !
Bien évidemment le montant du rachat doit être ramené au potentiel de croissance de chiffre d’affaires des deux entités : Intuit fait le pari qu’une partie de ses 7 millions de clients actuels va souscrire aux services offerts par MailChimp, multipliant ainsi les revenus avec un coût d’acquisition beaucoup moins élevé. Je ne connais pas bien le secteur de la compta et fiscalité en ligne mais j’imagine qu’il est plus “coûteux” d’y changer de solution que pour le marketing en ligne.
Je vois également dans ce rapprochement trois mouvements intéressants à suivre :
ça n’a pas échappé aux lecteurs de cette lettre, mais l’email a le vent en poupe. Alors que le web et les réseaux sociaux sont de devenus un entrelacs de contraintes, avertissements et autres biais algorithmiques, le bon vieil e-mail créé en 1976 est plus vert que jamais
la transformation numérique des petites et moyennes entreprises s’accélère. Avec la pandémie, de plus en plus d’entre elles ont basculé vers le e-commerce, la fourniture de services en ligne et plus généralement la numérisation de leur activité; les SaaS ne sont plus réservés aux free-lances et autres boîtes technologiques; ils ne sont plus seulement utilisés pour les fonctions back office (compta, productivité); la numérisation du marketing, des ventes et de la relation client des PME est un marché gigantesque
après l’avènement des plateformes BtoC dans les années 2010, voici venu celui des entreprises numériques proposant des solutions BtoB : les solutions basées sur le web, l’intelligence artificielle et la “mobilisation de la multitude” arrivent dans les entreprises. La croissance de ces entreprises est plus organique. Elles ne font presque jamais les titres des journaux. Leur modèle économique n’a rien à voir avec celui des plateformes à la Uber ou Facebook. Leurs services sont souvent gratuits pour un usage limité, mais payants ensuite, sous forme d’abonnement. MailChimp par exemple s’est toujours auto-financée sans lever de fonds ni chercher des croissances hors norme.
Accordez-moi un petit plaisir de consultant, je ne résiste pas à m’auto-citer lorsqu’il y a près de 2 ans j’entrevoyais ce type d’évolution dans mes prédictions 2020 :
“Dans les entreprises, l’arrivée aux postes de cadres qui ont eu une téléphone mobile avant de travailler devrait les aider à passer beaucoup plus radicalement aux solutions dématérialisées, au wifi, au cloud, au BYOD,…ouvrant ainsi des perspectives immenses aux startups qui ont lutté pendant des années aux portes des DSI.
Je vois donc comme évoqué plus haut une grosse croissance des applications BtoB, portées par le développement de grandes plateformes ouvertes aux tiers et la généralisation de l’usage des SaaS (pardon pour le jargon)”.
On parle souvent de “courbes en S” dans le développement des produits innovants : leur croissance n’est pas linéaire et suit des chemins sinueux. La transformation numérique des entreprises n’en est qu’à ses débuts. L’heure de gloire du bon vieux SaaS-des-années-2000 semble enfin arrivée.
High five !
🧐 Et aussi
Des ressources utiles en lien avec le sujet traité cette semaine.
À tout seigneur tout honneur, découvrez le créateur du gif “sweaty finger” Brent Clouse sur Dribbble
L’article du Courrier International sur la transaction. Le chiffre du jour. Le rachat en or de l’éditeur de newsletter Mailchimp
Autre preuve qu’il n’y a pas que la Silicon Valley qui élève des licornes (MailChimp est basée à Atlanta), le beau succès de Canva, une solution de création en ligne. Ne manquez pas la belle histoire de sa co-fondatrice Mélanie Perkins, cette Australienne partie à San Francisco “pitcher” son projet avec un simple support papier mais une énooooorme ambition. Aujourd’hui la valorisation de Canva est le triple de celle de MailChimp. 21 Questions from Aussie Startups: Highs, lows & lessons learned during Canva’s journey so far
Sur la différence entre modèles économiques de startups et de SaaS, notre article de référence Hypercroissance tu perds ton sang froid
Et enfin, si vous n’êtes pas convaincu de l’utilité de ces solutions pour développer votre activité, essayez Twitter : 10 threads from 10 world-class marketers
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Stéphane