Quand les apps se rebiffent.
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💌 Vous et moi
J’espère que vous avez bien profité de vos vacances et de vos proches “en vrai” 😎
Nous nous sommes quittés avec la crise du COVID et nous nous retrouvons malheureusement avec elle, dans une sorte de Saison 2 dont on ne connaîtrait pas la durée. Au-delà du confinement, la crise provoque déjà des ruptures et accentue des tendances plus durables. Nous continuerons à vous accompagner dans la compréhension de ces phénomènes en essayant de vous donner une grille de lecture et des ressources pour aller plus loin. N’hésitez pas à commenter et apporter votre contribution au débat chaque semaine sur notre page LinkedIn ou directement sous ce texte. À très vite j’espère !
🎯 Cette semaine
Quand les apps se rebiffent, c’est le dossier de la semaine.
La crise du COVID fait le bonheur des GAFAs. La valorisation boursière d’Apple a atteint le record symbolique de 2 000 milliards de dollars. De quoi acheter tout le CAC 40 en gardant un peu de monnaie pour voir venir. Et pourtant, la firme à la pomme n’a jamais été autant critiquée. Non pas pour le prix scandaleux de ses accessoires, mais pour la commission qu’elle prélève sur les achats réalisés via les applications qu’elle distribue. Alors qu’Apple pratique grosso modo les mêmes conditions économiques depuis la création de l’appstore (une commission de 30% sur tous les achats de contenus numériques), une vague de contestation s’élève contre ces pratiques jugées anti-concurrentielles.
Avec l’avènement des terminaux mobiles, les jeux vidéos ont basculé massivement sur les Appstores, de même que les services de musique ou vidéo en ligne (Spotify, Prime, Netflix...). Problème : ils n’ont pas basculé QUE sur les mobiles. On surfe allègrement d’un “écran” à un autre selon ses envies et ses moyens. Quand vous avez comme Netflix monté votre business à partir de votre site internet, la pilule des 30% de commission demandée par Apple est amère. Et potentiellement fatale pour des secteurs à faible marge (coucou la presse). Il est très tentant de contourner le péage en proposant à vos utilisateurs de s’abonner (et payer) via votre site internet. Problème : Apple ne l’entend pas de cette oreille et exige que vos utilisateurs se voient au moins proposer la possibilité de régler via l’application, même si ils choisissent une autre option. Conséquence : les apps qui ne se conforment pas à ces conditions sont purement et simplement virées du Store. Epic, le studio qui développe entre autre le jeu superstar Fortnite (les parents d’ados savent) vient d’en faire les frais, après avoir tout l’été mené une violente campagne contre Apple.
Avant elle Spotify avait porté le sujet devant la justice européenne, devenue de fait le seul juge mondial en la matière. Apple y succède 25 ans après à… Microsoft, ce qui n’est pas le moindre des retournements dans la courte histoire des technologies numériques.
Cette bataille commerciale dépasse largement le sujet des commissions. Dans Apple, Epic, and the App Store l’analyste Ben Thompson (Stratechery) rappelle le rôle fondamental des appstores (on parle d’Apple mais le sujet est presque identique avec Google Play) dans la démocratisation des services numériques. Grâce à eux, des développeurs sans marque ni capital de confiance ont pu rencontrer le succès en vendant des applications à des inconnus. Non seulement l’Appstore leur permet de toucher facilement un milliard d’utilisateurs, mais il les protège contre les dangers multiples et variés du web (souvenez-vous du téléchargement de programmes et de vos achats en ligne AVANT les stores 🥶). Comme Amazon Web Services, on peut affirmer sans se tromper que les appstores sont les piliers de la “nouvelle économie” : sans ces plateformes, peu probable que les services que nous utilisons quotidiennement se soient développés à cette vitesse. Apple a même estimé à plus de 500 milliards $ le montant annuel des transactions effectuées via ses appareils. Apple says the App Store created $519 billion in commerce last year
La “confiance pour tous” a permis le développement du business en ligne pour des entreprises qui n’y auraient jamais eu accès, et des utilisateurs qui n’auraient jamais essayé. Plus besoin d’avoir une bonne réputation ou d’être une enseigne mondiale pour vendre en ligne.
La confiance ne se décrète pas, elle s’outille. Apple contrôle toutes les applications avant qu’elles soient disponibles sur la plateforme, sécurise le chargement, le paiement et la relation client. Aucun malware ne s’invitera dans votre téléphone, et votre numéro de CB ne se retrouvera pas en vente sur un forum ukrainien. Comme pour Blablacar avec son D.R.E.A.M.S, Apple a construit une “cathédrale de confiance” que décrit très bien Ben Thompson :
L’iPhone est en réalité partie d’un écosystème qui intègre étroitement l’appareil, l’OS, le mécanisme d’installation, le process de paiement et la relation client (à travers l’appstore). Ce contrôle est complet : seul Apple détient les adresses emails des utilisateurs et connaît leur usage. L’Appstore a son propre système de notation et de classement des apps. Pendant longtemps le développeur ne pouvait même pas répondre à des commentaires. Certains petits malins contournaient ces interdictions en utilisant les notices de mises à jour comme des articles de blog, non sans génie. Captain Train a probablement publié la plus belle note de mise à jour que vous verrez aujourd’hui.
Le contrôle - et la commission - qu’exercent Apple ne seraient qu’un mal nécessaire pour dominer la jungle du web et ouvrir un terrain de jeu business friendly aux développeurs.
Oui mais voilà : Apple veut protéger les utilisateurs mais aussi (ou plutôt) ses profits colossaux. Sensée au départ couvrir les coûts du store, la commission est devenue un centre de profits. 61 milliards de ventes directes de “produits numériques” sur lesquels sont perçus les 30% de commission, soit 10 à 20 milliards de $ par an pour Apple. Excusez du peu. Autre problème : en développant de plus en plus ses services propres payants, Apple se retrouve en concurrence avec les apps qu’elle distribue. C’est le grief principal du recours de Spotify. Sachant qu’Apple interdit sans raison certains services comme le streaming de jeux vidéos de Microsoft ou Google…
La décision des juges n’est pas encore connue, même s’il est peu probable qu’ils reconnaissent le caractère anti-compétitif de ces mesures. Après tout, allez donc voir les pratiques de votre supermarché préféré et reparlons-en...Non, le vrai sujet, tel qu’il est soulevé par Benedict Evans, est celui du rôle que doit prendre Apple dans la prochaine décennie. Dans son App stores, trust and anti-trust (jeu de mot confiance et abus de position dominante), l’analyste explique qu’avec l’avènement du numérique, Apple n’est plus un “pirate” qui aide les petites entreprises à se développer grâce à un système de distribution ouvert et accessible. Avec sa taille, Apple est devenue une institution, elle est devenue l’infrastructure qui sous-tend le système : “Apple isn’t the pirates anymore - it’s the navy, the port and the customs house. In the last few weeks, Microsoft, Google, Facebook and Epic have been stopped at customs”. Et ce nouveau rôle implique de nouvelles responsabilités. Et de nouveaux ennemis.
🧐 Et aussi
Eux ne connaissent pas le même destin qu’Apple. Frappés de plein fouet par la baisse d’activités liée au COVID-19, les VTC américains sont confrontés à un autre danger : la régulation.
Mis en demeure d’embaucher leurs 50 000 chauffeurs californiens avant le 10 août Uber et Lyft , qui contestent toujours ces requalifications, arguent de l’impossibilité matérielle de répondre à cette demande dans des délais aussi courts. Ils menacent de fermer purement et simplement leur service. Las, l’administration rétro-pédale et accorde un délai aux deux entreprises. Un nouveau vote prévu cet automne à l’initiative des entreprises devrait in fine arbitrer entre l’État, qui veut faire entrer ces entreprises “dans le rang”, et ces dernières qui veulent à tout prix conserver le statut d’indépendant quitte à abonder des fonds privés pour leurs assurances sociales et de santé. Cela ressemble beaucoup à la dernière chance pour le modèle de gig economy (l’économie de la pige), qui pourrait disparaître purement et simplement avant la fin de l’année en Californie. Décidément 2020 enterrent les années 2010. The different routes Uber and Lyft could take as they fight California law
Autre secteur potentiellement menacé d’extinction : l’évènementiel. Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises ici : de nombreux organisateurs d’évènements “passent en virtuel” en proposant un mix de conférences, chat et rencontres en ligne. Problème : outre des expériences encore peu satisfaisantes, les participants ont peu de raison de “rester dans l’évènement” quand de nombreuses autres possibilités de contacts et de réseautage s’offrent à eux. L’éditorialiste de Skift, un media spécialisé dans le travel et la technologie, y voit la réédition de phénomènes déjà rencontrés auparavant dans les medias et la musique. C’est le “Napster Moment”, le moment où un nouvel acteur vient disrupter votre business et réduire sa valeur presque à néant. Avec Zoom dans le rôle de Napster. The event industry is being confronted by its napster moment
🤩 On a aimé
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Pour finir, un hommage à Ken Robinson disparu récemment et grâce à qui j’avais découvert les conférences Ted Talks. L’occasion de voir ou revoir Pourquoi l’école tue la créativité, tout à fait à propos en cette semaine de rentrée.
C’est fini pour cette semaine.
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Stéphane