đ«đ» Quand l'entreprise devient communautĂ©
Comment les communautés, jadis loin des marques, en deviennent la composante majeure ? Décryptage #180
đšâđ Tous les mardis, StĂ©phane dĂ©crypte lâimpact de la transformation numĂ©rique sur l'Ă©conomie et la sociĂ©tĂ©.
Merci et bienvenue aux nouveaux !
đ Vous et moi
Lâun des phĂ©nomĂšnes qui me fascine depuis que jâĂ©tudie lâimpact dâinternet sur la sociĂ©tĂ© est la maniĂšre dont certaines entreprises arrivent Ă âfaire levier de la multitudeâ. Ma toute premiĂšre confĂ©rence portait sur les clĂ©s du succĂšs des plateformes, et je nâai cessĂ© dĂšs lors dâapprofondir ce sujet.
Mais derriĂšre ce modĂšle qui semblait rassembler pĂȘle-mĂȘle Uber et Blablacar, Airbnb et Couchsurfing, il fut rapidement essentiel de distinguer deux modĂšles presque antagonistes :
le premier type de plateforme produit des effets gĂ©nĂ©ratifs : la valeur créée par les Ă©changes est redistribuĂ©e entre les diffĂ©rents membres qui y participent; câest le modĂšle dit de lâĂ©conomie du partage que lâon retrouve chez Wikipedia, Blablacar ou encore Smiile,
le second produit des effets extractifs : lâessentiel de la valeur accumulĂ©e est captĂ© par la plateforme elle-mĂȘme; on parle dâĂ©conomie des plateformes, elles ne cherchent pas la symĂ©trie des Ă©changes mais au contraire Ă monĂ©tiser les actions des utilisateurs, notamment grĂące au ciblage publicitaire
.
De quoi tordre le cou au sharewashing, cette façon agaçante quâavaient certaines plateformes de se prĂ©senter comme gĂ©nĂ©ratives de biens communs alors que leur modĂšle Ă©tait dâabord extractif. Mais cette distinction nâapportait pas de rĂ©ponse sur le point qui mâintĂ©ressait : comment ces plateformes parvenaient-elles Ă fĂ©dĂ©rer des communautĂ©s dâutilisateurs, souvent prĂ©-existantes, et Ă les animer pour en dynamiser les Ă©changes ? Surtout, comment communautĂ©s et entreprises pouvaient cohabiter ?
Là aussi, le risque était grand de confondre relation-client et animation de communautés. Tous vos clients ne sont pas des fans et tous les followers ne forment pas une communauté.
NoĂ©mie mon associĂ©e a travaillĂ© sur les sujets de plateformes Ă la Fnac et Ă la MAIF. Elle Ă©tait Ă©galement au conseil de Smiile et Ulule. Nous avons croisĂ© nos approches pour essayer de comprendre lâĂ©volution des liens entre entreprises et communautĂ©s.
Nous vous proposons de dĂ©couvrir cette semaine le rĂ©sumĂ© des principaux enseignements de cette prĂ©sentation, qui je lâespĂšre vous intĂ©ressera.
Photo : Câest Qui le Patron ?
đŻ Cette semaine
Un sujet qui nous a marqué
Les communautĂ©s dâutilisateurs, de fans et de passionnĂ©s se sont longtemps structurĂ©es en marge des entreprises.
Durant les annĂ©es 90 et 2000, les entreprises entretenaient une relation âverticaleâ avec leurs clients, dâabord descendante (la tĂ©lĂ©vision, les pubs), puis plus Ă©quilibrĂ©e avec internet, mais toujours centrĂ©e autour de la marque et de ses produits. Ă partir des annĂ©es 2010, les frontiĂšres se dissipent : des communautĂ©s se fĂ©dĂšrent sur internet autour de marques, de produits et de valeurs. Certaines entreprises parviennent Ă crĂ©er des liens authentiques avec elles, dâautres se contentent de suivre pour Ă©viter les clashs.
Avec la montĂ©e en puissance des sujets liĂ©s au rĂ©chauffement climatique, la consommation devient politique. Les entreprises sont sur le grill de leurs choix et de leurs positions. Sâengager ne suffit plus : il faut Ă©couter, impliquer et dĂ©cider avec les communautĂ©s. Pas Ă©tonnant que les statuts coopĂ©ratif et participatif sĂ©duisent de plus en plus dâentreprises : ces organisations font une trĂšs large place Ă leur communautĂ© de clients et de contributeurs; les domaines concernĂ©s ne sont plus limitĂ©s et sâĂ©tendent du service au transport ferroviaire.
Mais toutes les entreprises ne deviendront pas des SCOP. Alors, quels enseignements en retirer ? Nous avons tentĂ© dâanalyser cette Ă©volution en schĂ©matisant les diffĂ©rents types de communautĂ©s selon le niveau dâengagement de leurs membres et la place qui leur est donnĂ©e.
La Pyramide dâAbraham Maslow, dite de hiĂ©rarchie des besoins, nous a servi de âmĂštre Ă©talonâ pour qualifier lâĂ©volution des communautĂ©s : Ă quels besoins rĂ©pondent-elles ?Sây superposent quatre grandes catĂ©gories de besoins : les besoins primaires comme lâalimentation et la sĂ©curitĂ© (non reprĂ©sentĂ©s ici), des besoins plus sociaux comme lâappartenance Ă un groupe, puis de plus en plus personnels, voire intimes comme la connaissance et lâaccomplissement de soi.
Nous avons ensuite dĂ©fini 5 niveaux dâengagement, correspondant chacun Ă une typologie de communautĂ© :
La communautĂ© comme lieu de discussion et de partage : autour de besoins sociaux ciblĂ©s ou plus gĂ©nĂ©raux, elle tire profit de la plasticitĂ© des mĂ©dias sociaux (messagerie, forums, rĂ©seaux sociaux,âŠ) pour prendre de multiples formes
La communautĂ© comme canal de distribution : câest le modĂšle de place de marchĂ©, dans lequel la confiance entre pairs est âoutillĂ©eâ par des fonctionnalitĂ©s comme la notation; on y retrouve les deux modĂšles de plateformes Ă©voquĂ©s plus haut
La communautĂ© comme fonctionnalitĂ© du service : lorsque lâaccĂšs aux autres membres de la communautĂ© devient aussi important que lâaccĂšs aux contenus ou services proposĂ©s; on y entre autant pour consommer les contenus produits que vous Ă©changer et contribuer
La communautĂ© comme moyen de co-construire les produits : quand les membres sont invitĂ©s Ă donner leur avis, contribuer aux choix et mĂȘme concevoir les produits de lâentreprise; on touche ici les limites Ă©voquĂ©es de la redistribution et de lâextraction
La communautĂ© constituante de lâentreprise : câest la forme la plus intĂ©grĂ©e et la plus âpureâ, celle qui garantit les participants contre une captation de la valeur; on peut contribuer en tant que soutien, actionnaire ou simple producteur de ressources.
Chaque strate est dĂ©crite prĂ©cisĂ©ment et illustrĂ©e de cas pratiques. Nous concluons avec des recommandations pour les organisations qui souhaitent Ă©tablir des liens plus profonds avec ces communautĂ©s : rassembler, Ă©couter, fĂ©dĂ©rer et contribuerâŠtout en Ă©vitant les principaux Ă©cueils du community washing.
Faire levier de la multitude ne sâimprovise pas : demandez le programme !
Câest encore mieux en version intĂ©grale et en live (en plus nous faisons cette confĂ©rence Ă deux đŻ) !
Contactez-nous si vous souhaitez organiser une prĂ©sentation pour votre organisation, sur place ou Ă distance, en français ou en anglais. Dâune durĂ©e de 30 minutes environ, elle est gĂ©nĂ©ralement suivi dâun Ă©change avec les participants sur les impacts et solutions Ă apporter.
Nous proposons aussi dâautres confĂ©rences et masterclasses sur les sujets du futur du travail, la transformation numĂ©rique et le marketing de lâinnovation.
đ€© On a aimĂ©
Nos trouvailles de la semaine, en vrac
Envie de âtout plaquer pour bosser ailleursâ ? DĂ©couvrez le Work from Wherever Indexâ ? Câest un classement des pays oĂč il fait bon sâinstaller pour travailler Ă distance, basĂ© sur 22 critĂšres. Trois pays europĂ©ens sont en tĂȘte ! Work from Wherever Index - Kayak
Connaissez-vous le Big Mac Index ? En comparant le diffĂ©rentiel de prix du burger entre deux pays aux valeurs entre leurs deux monnaies, lâindex rĂ©vĂšle par exemple que la Livre Sterling est actuellement sous-Ă©valuĂ©e de 17% par rapport Ă lââŹ. The Big Mac Index
âCâest une autre cultureâ : le premier ministre de Singapour (et non de CorĂ©e comme je lâai Ă©crit par erreur) sait coder, et apparemment trĂšs trĂšs bien mĂȘme. Le programme de rĂ©solution de Sudoku du Premier Ministre - Facebook
âBlackmirror, mais pour de vraiâ : les autoritĂ©s amĂ©ricaines testent des robots-chien pour surveiller les frontiĂšres Sud avec le Mexique. Le premier rĂ©pond au nom de Fido đ±. US tests of robotic patrol dogs on Mexican border prompt outcry
LĂ©gĂšres et poĂ©tiques, ces broderies de paysages vus dâen haut sont faites Ă la main par une jeune anglaise de 23 ans. Victoria Rose Richards - aerial landscapes
Pour finir, un bel article scientifique sur un sujet qui me passionne : de lâimportance des silences dans la musique. Gaps in music: The neuroscience of pauses
Câest fini pour aujourdâhui !
Si vous avez apprĂ©ciĂ© cette lettre, mettez un đ pour nous encourager ou envoyez-nous un petit mot. Merci !
Et nâoubliez pas la seconde newsletter de 15marches :
đ©đ»âđ Tous les jeudis, NoĂ©mie raconte *les futurs possibles* en fiction.Â
Pour ma part je vous dis : Ă mardi prochain !
Stéphane
Pour reprendre les termes dâHenri Verdier et Nicolas Colin dans leur livre LâĂge de la Multitude : Entreprendre et gouverner aprĂšs la rĂ©volution numĂ©rique (2012)
Cette distinction a été théorisée par Dominique Cardon dans son excellent livre Culture Numérique (2019)
Merci Stéphane. Voici une source qui va dans le sens de cette vision de l'entreprise comme communauté. Jette un oeil sur cet article de medialculture.fr selon lequel l'entreprise est devenue la source d'information qui génÚre le moins de défiance, devant l'Etat et les médias ! https://mediaculture.fr/la-crise-de-confiance-vis-a-vis-des-medias-se-creuse-dans-le-monde-ainsi-que-les-inegalites-de-maitrise-de-linformation/
La mise en perspective des relations Entreprises et Communautés à l'aune de la pyramide de Maslow est lumineuse. Merci