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🙊 Est-ce la fin des rĂ©seaux sociaux ?

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🙊 Est-ce la fin des rĂ©seaux sociaux ?

Rien ne va plus pour les plateformes sociales dont les revenus baissent pour la premiÚre fois depuis leur création. Simple péripétie ou remise en cause plus profonde de leur rÎle ? Décryptage #205

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Nov 22, 2022
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🙊 Est-ce la fin des rĂ©seaux sociaux ?

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Tous les mardis, StĂ©phane dĂ©crypte l’impact de la transformation numĂ©rique sur l'Ă©conomie et la sociĂ©tĂ©. En savoir plus sur cette lettre : À propos

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Nous revenons cette semaine avec un sujet qui fait couler beaucoup d’encre (numĂ©rique) : allons-nous vers la fin des rĂ©seaux sociaux ?

Comme 99% des titres qui prennent la forme d’une interrogation, la rĂ©ponse sera : non. Le succĂšs des plateformes sociales n’est pas liĂ© qu’à notre soif de relations sociales faciles et notre appĂ©tit pour les fausses nouvelles. Il y a derriĂšre leur croissance exceptionnelle la conjonction de deux ruptures profondes : la puissance d’internet et la mondialisation culturelle. Les nouveaux acteurs ont su profiter mieux que personne de ces deux mouvements, bien aidĂ©s par des industries endormies et des rĂ©gulateurs embarrassĂ©s.

PlutĂŽt que de faire un NiĂšme article sur les dĂ©boires et dĂ©rives de ces plateformes, j’ai prĂ©fĂ©rĂ© dĂ©crypter le sujet sous l’angle de leurs modĂšles Ă©conomiques.

Pour prédire le futur, commençons par comprendre le présent : en avant !

shallow focus photography of crowd taking video
Photo by Gian Cescon on Unsplash

🎯 Cette semaine

Un sujet dĂ©cryptĂ©. Cette semaine : oĂč vont les rĂ©seaux et medias sociaux ?

En 2013, le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg avait qualifiĂ© Twitter de “voiture de clown qui tombe dans une mine d’or”. Le rĂ©seau social, devenu le “square numĂ©rique” de la planĂšte, Ă©tait en effet gĂ©rĂ© par un fondateur idĂ©aliste qui y consacrait moins de la moitiĂ© de son temps.

Ce qui se passe aujourd’hui ressemble plutĂŽt Ă  un Ă©pisode des Simpsons dans lequel le poivrot qui ronchonnait au fond du bus se retrouverait au volant et foncerait dans la ville en klaxonnant. MĂȘme si vous n’utilisez pas Twitter, vous avez certainement entendu parler de son rachat par Elon Musk et de la sidĂ©ration qui gagne annonceurs et influenceurs devant les outrances du nouveau proprio.

Prenons un peu de recul.

Comme l’analysait Ben Thompson, “Twitter est un vrai produit qui n’a jamais rĂ©ussi Ă  devenir une entreprise”. MĂȘme avant son rachat, sa valorisation boursiĂšre - 30 milliards - relevait de l’énigme : ses pertes s’élĂšvent Ă  plus de 800 millions de dollars depuis sa crĂ©ation. Sa vraie valeur provient de son algorithme de mise en relation, appelĂ© social graph, mais surtout de son impact culturel. Cet impact est indĂ©niable. À tel point que si personne ne pense que le rĂ©seau va rester tel qu’il est aujourd’hui, bien peu imaginent comment le monde actuel pourrait fonctionner sans Twitter.

Les rĂ©seaux sociaux sont accusĂ©s de tous les maux depuis leur crĂ©ation : addiction, dĂ©sinformation, polarisation,
Mais la neutralitĂ© proclamĂ©e de leurs dirigeants leur avait toujours permis de surnager. Les fondateurs de Google, Facebook ou encore Twitter se sont toujours bien gardĂ©s d’afficher des opinions politiques. Elon Musk vient de faire voler en Ă©clat ce fragile paradigme au nom d’une trĂšs fumeuse libertĂ© d’expression. Fin d’une pĂ©riode.

Les entreprises technologiques enfin, pourtant modĂšles de rĂ©silience pendant la pandĂ©mie, semblent finalement Ă  leur tour touchĂ©es par les incertitudes Ă©conomiques qui secouent le monde. Leurs cours de bourse dĂ©vissent, jetant le doute sur leurs propres stratĂ©gies d’innovation menĂ©es Ă  marche forcĂ©e. AprĂšs avoir embauchĂ© prĂšs de 500 000 personnes dans les 10 derniĂšres annĂ©es

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, elles licencient maintenant en masse des ingénieurs pourtant recrutés à prix d'or.

Mais prenons encore du recul


Dans une perspective plus large, les entreprises technologiques sont passées en une décennie de simples fournisseurs de solutions logicielles et matérielles à acteur central de quasiment tous les débats sociétaux et politiques.

Nous vous proposons ici quelques outils pour dĂ©crypter les facteurs qui ont permis les croissances exceptionnelles des plateformes sociales. Ce dĂ©cryptage vous permettra aussi nous l’espĂ©rons de suivre les Ă©volutions qui ne manqueront pas d’advenir prochainement.


Commençons pour dĂ©finir ce qu’est vraiment un “rĂ©seau social”.

Il s’agit en rĂ©alitĂ© d’un mot valise pour dĂ©signer deux produits diffĂ©rents :

  • Un rĂ©seau social de personnes et d’organisations qui permet de se prĂ©senter, se connecter, communiquer et dĂ©velopper ses contacts par affinitĂ©s.

  • Un mĂ©dia social qui agrĂšge des contenus hĂ©tĂ©rogĂšnes et les diffuse dans une expĂ©rience utilisateur unique et personnalisĂ©e.

Si le premier concept est vieux comme les congrĂ©gations et autres guildes du Moyen-Âge, le second est plus rĂ©cent. Un mĂ©dia social est en rĂ©alitĂ© la manifestation la plus aboutie de la transformation numĂ©rique des mĂ©dias. La preuve que l’exploitation radicale des possibilitĂ©s d’internet peut bouleverser un secteur pourtant central dans nos sociĂ©tĂ©s modernes : les mĂ©dias.

C’est aussi la partie “mĂ©dia social” qui fait l’objet - Ă  raison - des plus grosses critiques. MĂ©langer pĂȘle-mĂȘle contenus rĂ©digĂ©s par des professionnels avec ceux des amateurs, y compris et surtout s’ils ne sont pas d’accord entre eux : what could go wrong ? comme disent les anglais.

Regardons si vous en ĂȘtes d’accord Ă©tape par Ă©tape l’évolution du modĂšle Ă©conomique des mĂ©dias :

Le modÚle de producteur (pré-internet)

C’est le modĂšle classique, dans lequel le media maĂźtrise Ă  la fois l’amont - l’offre ou les contenus - et l’aval - la demande, les lecteurs. La rĂ©daction en chef est au sommet de la pyramide : c’est elle qui choisit les sujets, les auteurs et la composition du produit final. Le lecteur est Ă©galement “captif” en raison d’une maĂźtrise forte sur la distribution et le support papier. “Toute reproduction interdite” fait partie des phrases de notre enfance. La contrepartie est une faible connaissance des usages - qui lit, ce qu’ils lisent, ce qu’ils en pensent - au-delĂ  des seules ventes et profils d’abonnĂ©s.

La monĂ©tisation de ce modĂšle est simple : vendre le support papier d’un cĂŽtĂ© aux lecteurs, et vendre de l’espace publicitaire Ă  l’intĂ©rieur de ce support papier de l’autre. Avec un succĂšs limitĂ© : “la moitiĂ© des pubs ne servent Ă  rien, mais je ne sais pas quelle est cette moitiĂ©â€. La monĂ©tisation profite Ă©galement d’une maĂźtrise de l’offre : faire payer les petites annonces certains contenus.

Ce modĂšle a Ă©tĂ© secouĂ© par les journaux gratuits qui se finançaient par la seule publicitĂ© en agrĂ©geant des contenus venant d’agence de presse. Ouvrant ainsi la BoĂźte de Pandore.

Le modĂšle d’agrĂ©gateur

Avec la dĂ©mocratisation d’internet ont prospĂ©rĂ© les agrĂ©gateurs : portails, wikis et autres comparateurs de produits. Ces sites rassemblaient une masse critique d’internautes attirĂ©s par la diversitĂ© et la simplicitĂ© d’usage, audience qu’ils monĂ©tisaient ensuite auprĂšs de producteurs en amont. Pour la presse, cette agrĂ©gation a rapidement gagnĂ© un Ă©chelon en se dĂ©roulant au niveau des moteurs de recherche eux-mĂȘmes : Google News, Apple News puis Facebook ont rapidement compris en quoi la diffusion personnalisĂ©e de sĂ©lection d’articles dans leurs feeds contribuait Ă  leur croissance.

La standardisation des contenus distribuĂ©s est une clĂ© du succĂšs de ces modĂšles : on distribue un article isolĂ© de sa rubrique, on affiche un “snippet” (extrait texte + visuel) et on le rend “filtrable”, c’est Ă  dire facile Ă  trouver via le moteur de recherche de l’agrĂ©gateur. Vous connaissez la suite. Le systĂšme se boucle avec l’usage des donnĂ©es de lecture qui permet la personnalisation, et le placement des publicitĂ©s qui finance une offre aux coĂ»ts rĂ©duits Ă  presque 0. Puis on remonte dans la chaĂźne de valeurs en proposant outils et tutoriaux pour que les articles “passent mieux le filtre”. Échec et mat.

On aurait pu en rester lĂ , et discuter de la rĂ©partition des recettes entre producteurs et distributeurs. Mais ça n’a pas suffit.

Le modÚle de place de marché

Dans ce modĂšle, l’agrĂ©gateur ne sĂ©lectionne plus lui-mĂȘme les contenus diffusĂ©s. Il fournit un cadre et des outils d’édition, mais laisse les Ă©diteurs faire le job. Les contenus des Ă©diteurs sont concurrencĂ©s par ceux des lecteurs eux-mĂȘmes, dont les contributions - production de contenus, mais aussi commentaires ou simples “rĂ©actions” - sont mises en avant. La modĂ©ration n’a lieu qu’a posteriori, quand elle a lieu. Contrairement aux auteurs et Ă©diteurs, les plateformes n’ont aucune responsabilitĂ© sur les contenus qu’elles diffusent et monĂ©tisent.

Ce modĂšle est parfaitement scalable : non seulement le coĂ»t marginal d’un contenu est proche de zĂ©ro, mais chaque nouveau contenu peut intĂ©resser l’ensemble de l’audience, dont l’usage va alimenter le filtre et donc la pertinence de la sĂ©lection. On parle de rendements croissants car chaque nouveau contenu et chaque nouvel utilisateur rapporte plus que le prĂ©cĂ©dent. Les medias sociaux vendent ensuite des outils aux annonceurs et aux producteurs de contenus, monĂ©tisant ainsi la partie offre de leur plateforme. La partie demande est monĂ©tisĂ©e par la publicitĂ© et les promotions.

Le modÚle de plateforme domine le paysage actuel des « réseaux sociaux », mais il évolue.

Facebook et LinkedIn sont des rĂ©seaux sociaux devenus mĂ©dias sociaux. Instagram est un outil devenu rĂ©seau social et qui Ă©volue Ă  nouveau vers un media pour concurrencer TikTok. Twitter est un mĂ©dia social devenu
qui sait? đŸ€”

Le secteur bouge trÚs vite, faisant varier les curseurs entre plateforme et agrégateur, média social et réseau social.

J’espĂšre vous avoir aidĂ© Ă  suivre ses Ă©volutions Ă  venir.


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🧐 Et aussi

Des ressources utiles en lien avec le sujet traité cette semaine.

Quand Marc Zuckerberg fùché, Marc Zuckerberg toujours faire ainsi. Zuckerberg On Twitter: 'They Drove A Clown Car That Fell Into A Gold Mine'

L’article que tout le monde partage en ce moment (sur les rĂ©seaux sociaux) The Age of Social Media Is Ending. It never should have begun - The Atlantic.

Pourtant, les humains continuent Ă  beaucoup utiliser les plateformes. Mais vraiment beaucoup. Les chiffres clĂ©s d’Internet et des rĂ©seaux sociaux dans le monde en octobre 2022

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C’est fini pour aujourd’hui !

Si vous avez apprĂ©ciĂ© cette lettre, laissez-nous un 💙 pour nous encourager et parlez-en autour de vous.

Stéphane

Je suis StĂ©phane Schultz, de 15marches. Le jour je suis consultant, je prends des trains Ă  travers les plaines. La nuit je lis et j’écris cette lettre.

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480 000 précisément en cumulant les embauches chez Google, Apple, Facebook and Microsoft

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Martin Holstein
Writes Effets inattendus
Nov 23, 2022Liked by Les newsletters de 15marches

Merci pour la distinction entre réseaux sociaux et média sociaux, que je trouve trÚs éclairante !

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