On lit partout que Kodak a disparu faute d’avoir su anticiper l'hégémonie du smartphone. La vérité semble plus compliquée, et plus instructive. Décryptage #277
J'avoue avoir quelque peu négligé la lecture de la Newsletter de 15 marches ces derniers temps, mais il m'est impossible de ne pas réagir à celle du jour car elle aborde un sujet pour lequel je nourris un grand intérêt.
Tout d'abord, il est clair qu'effectivement, Kodak n'a pas vu venir la violence de la vague de la photo numérique, et peut-être à raison : qui aurait pu deviner que l'on se tourne vers une technologie qui produisait de moins bons résultats ! C'est d'ailleurs probablement à partir de ce constat que Kodak n'a pas persévéré dans le développement d'appareils photos numériques, contrairement à Fujifilm qui connaît aujourd'hui un franc succès sur le segment des compacts experts (avec la "hype" des X100V et X100VI que l'on a vue sur tous les réseaux).
Ensuite, la reconversion vers le film cinématographique. À mon sens, c'est une bouée de sauvetage plus qu'intelligente, même si elle n'a pas permis à la firme de conserver sa taille, ses usines et ses salariés. Mais le cinéma en tant que pratique artistique est une niche qui regroupe ce qu'il faut de puristes pour permettre de valoriser le savoir faire de Kodak, qui s'est d'ailleurs attiré la sympathie de gros noms tels que Denis Villeneuve, qui a tourné Dune en numérique avant de le repasser sur pellicule pour en récupérer le grain caractéristique, ou encore Christopher Nolan, qui a fait de la pellicule son cheval de bataille et qui en consomme des kilomètres pour chaque projet.
Le petit truc en plus : le film cinéma de Kodak est reconditionné par des revendeurs de pellicules photo pour les photographes argentiques qui recherchent le rendu cinéma tels quel le grain ou le halo dans les hautes lumières (on en reparle un peu plus bas, la nouvelle génération est une aubaine...)
Le gros point noir de la stratégie de Kodak : aucune tentative de numérisation ou de diffusion de son savoir faire auprès du grand public ! Instax nous permet d'avoir une simulation de film 35mm directement dans Instagram, Fujifilm nous permet d'appliquer et partager instantanément ses looks de pellicule sur les réseaux depuis ses boitiers, mais si l'on veut le look et le grain de Kodak, il faut acheter une pellicule Kodak. Heureusement pour eux, depuis une dizaine d'années, la photographie argentique revient sur le devant de la scène, se voulant capturer une image plus authentique. Alors les fabricants et revendeurs de pellicule se font de plus en plus nombreux, les laboratoires de quartier se développent en intégrant la vente en ligne...et Kodak monte ses prix et tire tout le marché vers le luxe ! Comment peut-on se planter à ce point ? Là où ils avaient une carte énorme à jouer en mettant un point & shoot dans les mains de chaque personne qui fête ses 18 ans et se met en quête d'authenticité face à la montée en puissance des IA générative et d'un monde tout numérique, ils rendent leurs produits inaccessibles à ce même public pour retourner s'enfermer dans une niche.
Cette stratégie est pour moi incompréhensible. Je ne vois pas l'intérêt de se couper autant du grand public et de potentiels nouveaux clients. Je ne suis que novice dans l'analyse des stratégies et des mutations, mais si quelqu'un a une idée de ce que peut devenir Kodak à court ou moyen terme en agissant de la sorte, je suis preneur !
Bonjour Stéphane,
J'avoue avoir quelque peu négligé la lecture de la Newsletter de 15 marches ces derniers temps, mais il m'est impossible de ne pas réagir à celle du jour car elle aborde un sujet pour lequel je nourris un grand intérêt.
Tout d'abord, il est clair qu'effectivement, Kodak n'a pas vu venir la violence de la vague de la photo numérique, et peut-être à raison : qui aurait pu deviner que l'on se tourne vers une technologie qui produisait de moins bons résultats ! C'est d'ailleurs probablement à partir de ce constat que Kodak n'a pas persévéré dans le développement d'appareils photos numériques, contrairement à Fujifilm qui connaît aujourd'hui un franc succès sur le segment des compacts experts (avec la "hype" des X100V et X100VI que l'on a vue sur tous les réseaux).
Ensuite, la reconversion vers le film cinématographique. À mon sens, c'est une bouée de sauvetage plus qu'intelligente, même si elle n'a pas permis à la firme de conserver sa taille, ses usines et ses salariés. Mais le cinéma en tant que pratique artistique est une niche qui regroupe ce qu'il faut de puristes pour permettre de valoriser le savoir faire de Kodak, qui s'est d'ailleurs attiré la sympathie de gros noms tels que Denis Villeneuve, qui a tourné Dune en numérique avant de le repasser sur pellicule pour en récupérer le grain caractéristique, ou encore Christopher Nolan, qui a fait de la pellicule son cheval de bataille et qui en consomme des kilomètres pour chaque projet.
Le petit truc en plus : le film cinéma de Kodak est reconditionné par des revendeurs de pellicules photo pour les photographes argentiques qui recherchent le rendu cinéma tels quel le grain ou le halo dans les hautes lumières (on en reparle un peu plus bas, la nouvelle génération est une aubaine...)
Le gros point noir de la stratégie de Kodak : aucune tentative de numérisation ou de diffusion de son savoir faire auprès du grand public ! Instax nous permet d'avoir une simulation de film 35mm directement dans Instagram, Fujifilm nous permet d'appliquer et partager instantanément ses looks de pellicule sur les réseaux depuis ses boitiers, mais si l'on veut le look et le grain de Kodak, il faut acheter une pellicule Kodak. Heureusement pour eux, depuis une dizaine d'années, la photographie argentique revient sur le devant de la scène, se voulant capturer une image plus authentique. Alors les fabricants et revendeurs de pellicule se font de plus en plus nombreux, les laboratoires de quartier se développent en intégrant la vente en ligne...et Kodak monte ses prix et tire tout le marché vers le luxe ! Comment peut-on se planter à ce point ? Là où ils avaient une carte énorme à jouer en mettant un point & shoot dans les mains de chaque personne qui fête ses 18 ans et se met en quête d'authenticité face à la montée en puissance des IA générative et d'un monde tout numérique, ils rendent leurs produits inaccessibles à ce même public pour retourner s'enfermer dans une niche.
Cette stratégie est pour moi incompréhensible. Je ne vois pas l'intérêt de se couper autant du grand public et de potentiels nouveaux clients. Je ne suis que novice dans l'analyse des stratégies et des mutations, mais si quelqu'un a une idée de ce que peut devenir Kodak à court ou moyen terme en agissant de la sorte, je suis preneur !
Merci Yvain j'adore ce type de commentaires qui rebondit sur le sujet en apportant de nouvelles pistes à explorer. J'ai appris plein de choses !